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Les brèves de grands films : Le choix de Sophie
Cette rubrique s’intéresse, chaque semaine, à un grand film (et pas toujours les plus connus) en résumant en quelques lignes sa petite histoire. En somme, une brève, un texte court et une information concise !
LE CHOIX DE SOPHIE réalisé par Alan J.Pakula
Le pitch : Un écrivain récemment installé à New York se lie d’amitié avec un couple fort étrange. Il s’agit de Sophie, polonaise récemment installée aux Etats-Unis et de son amant Nathan, brillant intellectuel juif.
Autour du film : Meryl Streep s’est plongée corps et âme dans son rôle pour lequel elle a appris l’allemand et le polonais afin de restituer l’accent réaliste d’un réfugié polonais. L’actrice avait notamment supplié Alan J.Pakula pour obtenir le rôle.
La réplique : « Je suis Polonaise, je suis née à Cracovie ! Je ne suis pas juive ! »
Le film : Sublimé par la partition de son actrice principale (qui a notamment reçu l’Oscar de la meilleure actrice pour ce rôle), LE CHOIX DE SOPHIE est un film déchirant qui détonne dans la filmographie d’Alan J.Pakula, davantage habitué aux films d’investigation et / ou politiques. Mais pour ce fils d’imprimeurs immigrés juifs venus de Pologne, l’adaptation du roman éponyme de William Styron était une évidence. C’est aussi par le biais de cet investissement fortement personnel que ce film demeure aussi poignant.
EQUIPE TECHNIQUE
Casting : Meryl Streep – Kevin Kline – Peter MacNicol – Rita Karin – Stephen D. Newman
Photographie : Nestor Almendros
Décors : George Jenkins
Musique : Marvin Hamlisch
Montage : Evan A.Lottman
Scénario : Alan J.Pakula
Production : Keith Barish – William C.Gerrity – Alan J.Pakula – Martin Starger
Réalisation : Alan J.Pakula
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Critique de JOUER AVEC LE FEU
Vincent Lindon est souvent très bon quand il s’agit de choisir ses rôles. Très peu de fausses notes, toujours une grande conviction à l’écran, avec ce mélange de naturel et de force brute qui impliquent directement le spectateur à ses côtés. JOUER AVEC LE FEU a d’autres qualités, mais sa première est de le placer en tant que pilier de son récit.
Une bulle familiale qui explose
Pierre (Lindon) élève seul ses deux fils. Louis (Stefan Crepon), le cadet, réussit ses études et avance facilement dans la vie. Fus (Benjamin Voisin), l’aîné, part à la dérive. Fasciné par la violence et les rapports de force, il se rapproche de groupes d’extrême-droite, à l’opposé des valeurs de son père. Pierre assiste impuissant à l’emprise de ces fréquentations sur son fils. Peu à peu, l’amour cède place à l’incompréhension… Adapté du roman écrit par Laurent Petitmangin, CE QU’IL FAUT DE NUIT, le film réalisé par Delphine et Muriel Coulin nous plonge directement dans le quotidien de cette famille menée par un père qui travaille dans un milieu difficile, celui des chemins de fer. Les deux frères, différents, sont néanmoins complices et proches. Les liens entre eux trois vont peu à peu se désagréger à cause de points de vues divergents qui mèneront malheureusement l’aîné à faire un choix.
La montée extrême
En étudiant la difficulté de compréhension entre les convictions d’un fils et celles d’un père, les réalisatrices amènent leur film sur un autre terrain, celui des extrêmes. Il n’est pas question ici de donner un point de vue sur la politique, mais bien de montrer à quel point le radicalisme peut briser une personne et une famille. L’histoire des mauvaises fréquentations qui mène à une distanciation des bases sociales, puis à la violence verbale et enfin physique, un cheminement dont l’issue est connue. On filme du point de vue du père et on nous interroge forcément sur la difficulté pour les proches de voir un enfant s’éloigner vers des idées dangereuses. Comment intervenir ? Comment faire comprendre à l’autre qu’il se trompe ? Comme l’empêcher d’agir ? C’est poignant et tout cela rend renvoie à la question de l’inéluctabilité. Une sorte de fatalisme qui ouvre une blessure ne pouvant plus être refermée.
Les deux jeunes acteurs sont très bons et font le poids face au mastodonte Lindon qui emporte tout sur son passage. Il a remporté le prix d’interprétation à la Mostra de Venise et c’est entièrement mérité. Ses regards, sa voix, sa façon de se mouvoir dans le cadre, Lindon est un torrent, une tempête qui trouve un écho lors de ses dernières apparitions, très émouvantes. C’est le genre de rôle qu’il maîtrise avec une facilité déconcertante. Il possède une image très marquée auprès des spectateurs, autant par ses prises paroles dans la réalité (souvent fortes et pertinentes) que par ses choix artistiques. C’est un étendard qui risque bien de faire parler lors de la sortie en salles de JOUER AVEC LE FEU.
AVIS GLOBAL : Un film délicat sur une famille confrontée aux idées radicales d’un de ses membres. Puissant, et mené par un Vincent Lindon impérial, JOUER AVEC LE FEU est une belle réussite qui pose les bonnes questions.
NOTE :
JOUER AVEC LE FEU sortira dans les salles de cinéma le 22 janvier 2025, distribué par Ad Vitam.
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Le film de l’année : 2005
LE FILM DE L’ANNEE est une rubrique qui se concentre sur les événements cinématographiques marquants de l’année choisie. Place cette fois à l’année 2005.
La fin d’une ère (provisoire) étoilée
Adolescent à l’époque, j’ai vécu la sortie de STAR WARS : LA REVANCHE DES SITH avec une drôle d’euphorie. Mais elle n’était probablement rien comparée à celle des premiers, ceux qui avaient connu la saga à ses débuts et qui venaient alors assister à l’avénement de Dark Vador. Oubliés les deux précédents longs-métrages qui ont globalement déçu les aficionados (mais qui ne sont pas si mauvais en toute objectivité), place au déferlement étoilé et à une oeuvre noire qui va demeurer comme l’un des plus beaux épisodes de la saga. Les fans hurlaient leur amour de la saga et le monde fut pris dans la tempête. Un grand moment. Mais qui ne sera pas le dernier…
Le phénomène inattendu : Jean Dujardin, le casseur
La France fut jaune en 2005. Non, ce n’est ni une allusion au Pastis, ni une évocation d’une victoire au Tour de France (qui fut remporté par Lance Armstrong, rappelons-le). Ce jaune, c’est celui du casseur Brice qui devient un véritable phénomène de société avec 4,424 millions de spectateurs réunis dans les salles et des « casseurs » partout dans l’Hexagone. Brice devient un emblème et Jean Dujardin une star. Ce fut beaucoup moins glorieux onze ans plus tard avec la désastreuse suite BRICE 3.
L’Oscar du meilleur film : MILLION DOLLAR BABY de Clint Eastwood
Ni Martin Scorsese (avec AVIATOR), ni Jamie Foxx (dans RAY) n’ont pu empêcher la victoire de l’immense MILLION DOLLAR BABY qui ferait verser des larmes aux spectateurs rien qu’à son évocation. Clint Eastwood remporte également l’Oscar du meilleur réalisateur et Hilary Swank celle de la meilleure actrice. En plus des récompenses, c’est un triomphe en salles avec 216 millions de dollars de recettes mondiales (dont 3,2 millions d’entrées en France).
Le César du meilleur film : L’ESQUIVE d’Abdellatif Kechiche
Le deuxième film du cinéaste est récompensé lors de la 30ème cérémonie des César, devançant notamment le long-métrage de Jean-Pierre Jeunet, UN LONG DIMANCHE DE FIANÇAILLES. Celui qui défraiera la chronique des années plus tard avec LA VIE D’ADELE emporte l’adhésion avec son récit centré sur un jeune de cité qui va découvrir l’amour, amenant alors un autre regard sur les banlieues et ses stéréotypes.
Le plus gros succès de l’année en France : HARRY POTTER ET LA COUPE DE FEU de Mike Newell
Ceux qui ont vécu la décennie HARRY POTTER savent à quel point elle a marqué son temps. Après deux films à 9 millions d’entrées, la montée en noirceur de la saga avec le troisième volet avait vu les entrées légèrement chuter à 7,2 millions (ce qui reste énorme bien sûr). Le quatrième, l’un des préférés des fans qui ont lu les livres, a remonté la pente en réunissant 7,731 millions de spectateurs assurant ainsi (pour ceux qui en doutaient encore) que cette franchise ne s’essoufflerait pas. Derrière, même LA REVANCHE DES SITH ne peut pas lutter (7,247 millions) tandis que l’arrivée du MONDE DE NARNIA s’avère particulièrement impressionnante (5,262 millions).
Le carton mondial de l’année : MR. AND MRS. SMITH de Doug Liman
On ne sait pas à quel point la liaison entre Brad Pitt et Angelina Jolie fut le moteur de cet immense carton (478 millions récoltés), mais il est certain que cela a joué dans la popularité de ce film d’action somme toute assez lambda, mais qui possède de bons moments et un duo savoureux. En définition, le cocktail parfait du Blockbuster estival.
L’année des grands cinéastes
En 2005, les grands noms nous ont gâté : outre George Lucas et Clint Eastwood déjà évoqués, Martin Scorsese (AVIATOR), Ridley Scott (KINGDOM OF HEAVEN), Steven Spielberg (LA GUERRE DES MONDES), Peter Jackson (KING KONG), Oliver Stone (ALEXANDRE), Christopher Nolan (BATMAN BEGINS), Jacques Audiard (DE BATTRE MON COEUR S’EST ARRETE) ou encore Tim Burton (CHARLIE ET LA CHOCOLATERIE) étaient présents. Pas mal, non ?
La star de l’année : Steve Carell
On l’avait vu dans BRUCE TOUT-PUISSANT et certains le connaissaient grâce à ses apparitions télévisées. Mais c’est le film 40 ANS, TOUJOURS PUCEAU qui va changer la donne. Basé sur l’une de ses propres idées qu’il affine avec le réalisateur Judd Apatow, le long-métrage sera un énorme succès et Carell sera propulsé star du cinéma comique américain en un instant. Depuis, il nous régale et pas seulement en comédie (flippant dans FOXCATCHER, émouvant dans BIENVENUE À MARWEN)
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Gladiator 2, l’incroyable script de Nick Cave qui n’a jamais vu le jour
Il y a plus d’une décennie, GLADIATOR 2 était déjà en pourparlers. Aujourd’hui, elle est désormais visible dans les salles, mais bien loin de la version concoctée il y a deux décennies par Nick Cave.
Scott réfléchissait déjà à une séquelle suite au carton de l’opus originel. Le chanteur – compositeur – scénariste Nick Cave est alors chargé d’écrire le film par Russell Crowe lui-même qui demande expressément de faire son retour dans ce nouvel opus. Pas d’origin story, pas de spin-off, GLADIATOR 2 doit être une suite. Cave se creuse la tête pour répondre aux demandes et imagine alors une histoire complètement folle : l’âme de Maximus va au purgatoire et on voit les anciens Dieux qui sont en train de mourir puisque sur Terre la croyance en un Dieu unique. Le personnage du Christ fait alors mourir tous les autres Dieux. La seule solution pour ces derniers est de le tuer. Il charge alors Maximus de l’éliminer et on comprend à la fin qu’il s’est fait berné par les Dieux car le Christ est ne réalité… son fils. Cette suite devait carrément s’appeler CHRIST KILLER !
Pire, Cave était parti dans un délire temporel savoureux que lui-même adorait. Ces mots sont les siens : « Maximus devenait alors un un guerre éternel et le film s’achevait sur une bataille de plus de 20 minutes
où l’on voit toutes les guerres de l’Histoire jusqu’au Viet-nam. C’était complètement barré, un vrai chef-d’oeuvre ! J’ai beaucoup aimé l’écrire car je savais que ça ne se tournerait jamais.« . Russell Crowe lui dira qu’il n’aime pas sa version. Quant à Ridley Scott, il appréciait certains éléments, mais n’a jamais décidé de le mettre en scène. Les producteurs eux-mêmes ont directement refusé le projet.
En 2024, GLADIATOR 2 est une réalité, mais s’avère beaucoup moins barré…
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Critique de BRÛLE LE SANG
Premier film d’Akaki Popkhadze, BRÛLE LE SANG se pose comme un coup d’essai et un coup de maître. Une plongée saisissante dans une cellule familiale et une étude sans concession de la violence.
Un univers brutal
Dans les quartiers populaires de Nice, un pilier de la communauté géorgienne locale se fait assassiner. Son fils Tristan (Florent Hill), qui aspire à devenir prêtre orthodoxe, se retrouve seul avec sa mère en deuil. C’est alors que réapparaît Gabriel (Nicolas Duvauchelle), le grand frère au passé sulfureux, qui revient d’un long exil dans le but de se racheter en lavant l’honneur de sa famille. Les premières scènes donnent le ton : un avocat se fait enlever puis traverse la ville, mort et enterrer dans une benne. C’est sec, brutal. La suite ne déviera pas de cette note d’intention.
Des « gueules » au casting
Les films sur la violence et la vengeance, il y en a eu un paquet. BRÛLE LE SANG n’entend pas révolutionner quoi que ce soit, mais respecte les codes avec une grande précision. La dynamique des deux frères que tout oppose, la nécessité de devoir copiner avec des gens dangereux pour obtenir justice, la difficulté d’effacer son passé. Le cinéaste évoque ces sujets sans détourner le regard et braque sa caméra au plus près des visages, nous impliquant dans l’intimité de ces personnages imparfaits, donc touchants. C’est simple, un tel univers trouve sa réussite dans la rigueur du script, la maîtrise de la mise en scène et un casting qui en jette. BRÛLE LE SANG réunit tous ces éléments.
Nicolas Duvauchelle impressionne dans chacune de ses scènes, incarnant le rôle d’un grand frère troublant et sanguin, qui découvre aussi un monde trop grand pour lui. Assoiffé de vengeance, il s’aveugle et s’éloigne de sa famille, dont son petit frère joué avec talent par Florent Hill. Également scénariste, il est LA grande révélation du film tant il parvient à équilibrer les émotions contrastées qui hante son personnage. Coincé entre sa foi et ses pulsions, son éthique et sa nature, sa personnalité et sa génétique, il livre une belle prestation qui ne restera pas sans lendemain. Ces deux personnages principaux ne doivent pas occulter le fait que le reste du casting est aussi parfait (Denis Lavant en « parrain », l’imposant Jean-Philippe Ricci en homme de main, Finnegan Oldfield dans une partition délirante). BRÛLE LE SANG ne perd jamais de sa force et laisse KO après la séance. Un cinéaste est né.
AVIS GLOBAL : Un film fort et puissant, incarné par de remarquables comédiens et écrit avec beaucoup de rigueur. Aussi sincère que touchant, BRÛLE LE SANG est une belle réussite.
NOTE :
BRÛLE LE SANG sortira dans les salles le 8 janvier 2025.
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Une date, une histoire : Quand Clint Eastwood a refusé de jouer dans APOCALYPSE NOW
UNE DATE, UNE HISTOIRE est une rubrique au texte court, qui reviendra régulièrement sur une date clé du cinéma, se référant à un événement en particulier, une sortie de film, une polémique ou tout autre fait qui a eu lieu dans l’Histoire.
Nous sommes en 1976 lors de la production D’APOCALYPSE NOW.
Le projet APOCALYPSE NOW de Francis Ford Coppola est déjà hors normes dès ses prémisses. Tout un tas de noms prestigieux est annoncé dont Steve McQueen qui devait d’abord jouer Willard avant que l’acteur n’annonce au minimum un salaire de 3 millions de dollars. Trop cher pour la production. Clint Eastwood est alors contacté pour le remplacer.
En 1976, Eastwood est un acteur de premier plan, ayant déjà joué dans la trilogie du Dollar et étant devenu une star aux USA avec L’INSPECTEUR HARRY. Francis Ford Coppola lui explique le projet et tout est facilité par le fait qu’Eastwood a déjà lu le livre AU COEUR DES TENEBRES de Joseph Conrad. Dans des échanges francs avec le cinéaste, l’acteur est dubitatif quant à la direction que doit prendre le long-métrage et l’énormité apparente de la production. De plus, Eastwood venait de construire une maison et ne se voyait pas partir loin de sa famille durant de longs mois. D’autant que les prises de vues d’APOCALYPSE NOW dureront tout de même plus de onze mois !
Ce refus pour des motifs avant tout personnels a donc permis à Martin Sheen d’incarner Willard, lui-même ayant remplacé Harvey Keitel viré au bout de deux semaines de tournage. Eastwood s’est évité un tournage absolument infernal et a préféré, à cette époque, jouer dans des productions plus confortables comme L’EPREUVE DE FORCE et DOUX, DUR ET DINGUE. Certes, on aurait le voir dans un film aussi grandiose qu’APOCALYPSE NOW, mais la prestation de Martin Sheen, fiévreuse et complexe, fut mémorable.
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Darkman, une histoire de vengeance par Sam Raimi
Douze avant d’entamer son incontournable trilogie sur Spider-Man, le réalisateur Sam Raimi réalisait son premier long-métrage inspiré des comic-books avec DARKMAN.
Une volonté d’adaptation
Alors qu’il sort tout juste de la suite d’EVIL DEAD, Sam Raimi réfléchit à son futur projet. Il aimerait se tourner vers une adaptation et pense, un temps, à s’intéresser à Batman, un personnage qui l’a toujours
fasciné. Toutefois, la Warner travaille déjà avec Tim Burton sur le film que l’on connaît. Raimi a eu une autre idée en tête : mettre en scène The Shadow, un célèbre héros de Pulp dans les années 30 / 40 qui a ensuite connu un certain succès avec un feuilleton radiophonique, des comics books eu même des films. Malheureusement, le cinéaste n’obtient pas les droits de l’oeuvre originale qui sera finalement portée à l’écran en 1994 par Russell Mulcahy avec Alec Baldwin dans le rôle-titre.
Il décide alors de créer un personnage qui serait connecté à toutes ces histoires qu’il a lues étant enfant. Il souhaite également rendre hommage aux célèbres films d’horreur d’UNIVERSAL des années 30. Ainsi né Darkman, alter ego de Peter Westlake, un généticien de génie qui vit heureux avec sa petite amie Julie Hastings, avocate pour l’entreprise Strack. Le jour où cette dernière récupère un document rapportant les agissements douteux de Louis Strack et que les preuves finissent par arriver dans le laboratoire de Peyton, Louis Strack envoie des tueurs pour le récupérer. Victime d’un massacre sanglant, Peyton survit, bien qu’il soit gravement blessé et défiguré. Grâce à ses travaux sur une peau synthétique, il met en place un plan pour assouvir sa vengeance contre ceux qui l’ont laissé pour mort.
Liam Neeson, un ami qui prend la place
Pour son projet, il peut s’appuyer sur un studio, UNIVERSAL, qui lui cédera 16 millions de dollars pour la production. Une belle somme qui l’oblige toutefois à renoncer au comédien qu’il avait en tête pour incarner Peter Westlake : Bruce Campbell. Son acolyte de toujours n’aura pas les faveurs des dirigeants qui préféreraient un comédien plus reconnu. Sans rancune pour l’interprète de Ash qui tiendra finalement un petit rôle dans le film. Gary Oldman est ensuite sondé avant que Bill Paxton ne soit sérieusement envisagé après son audition réussie. Sûr de lui, il vante déjà ses propres mérites auprès de ses amis, ce qui va finalement lui porter préjudice : un certain Liam Neeson décide lui aussi de tenter sa chance et obtient alors le rôle ! Une anecdote amusante, mais un fait qui n’a pas plu du tout à Paxton qui coupera les ponts avec son ami durant de nombreuses années…
Neeson ne sera pas déçu par l’aventure, lui qui devra subir des heures de maquillages tout en jouant principalement avec un masque. L’acteur s’est préparé en contactant diverses sociétés qui aidaient des personnes défigurées à réintégrer la société. En parallèle, Sam Raimi recevra de l’aide de la part des frères Coen qui officieront en tant que script doctor (un boulot qui consiste à retravailler un script pour l’améliorer). Ils apportent notamment quelques touches d’humour noir, l’une des caractéristiques phares de leur cinéma.
Sorti en 1990, DARKMAN rencontrera un joli succès en totalisant 48 millions de dollars de recettes, soit trois fois sa mise de départ. Deux suites verront également le jour, nommés DARKMAN 2, LE RETOUR DE DURANT et DARKMAN 3. Elles sortiront uniquement sur le marché de la vidéo en 1995 et 1996. Aujourd’hui, le film de Sam Raimi a un poil vieilli à cause de quelques effets désormais datés. Il y avait aussi de grandes ambitions visuelles de la part du cinéaste, qui s’avéreront finalement bridées par un budget limité. Reste une solide histoire qui annonce clairement, par bribes, le futur SPIDER-MAN et un excellent casting avec, notamment, Frances McDormand et bien sûr Liam Neeson. Après DARKMAN, Raimi ira bouclé sa trilogie EVIL DEAD avant de pousser les portes du western avec MORT OU VIF.
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Critique de SARAH BERNHARDT, LA DIVINE
Les mythes tombent parfois dans l’oubli. Un paradoxe qui touche (ou plutôt, « touchait ») l’actrice Sarah Bernhardt, considérée comme l’une des plus grandes comédiennes françaises de tous les temps. Adulée par Victor Hugo, Emile Zola, Edmond Rostand et à peu près tous les artistes de la fin du XIXème siècle, c’était autant un personnage dans la réalité qu’à l’écran (ou sur les planches).
Erreur réparée
Le plus étonnant ? Jamais un film français n’avait consacré d’histoires à Bernhardt auparavant, tout juste peut-on mentionner le long-métrage américain réalisé par Richard Fleischer, THE INCREDIBLE SARAH, dans lequel Sarah était incarnée par Glenda Jackson. L’injustice est donc réparée avec SARAH BERNHARDT, LA DIVINE qui doit son existence à la scénariste Nathalie Leuthreau, grande admiratrice de la comédienne. C’est elle qui a poussé le réalisateur Guillaume Nicloux de se pencher sur le sujet, lui qui n’était pas forcément un fin connaisseur de Bernhardt. Rien que pour ça, ce film mérite d’être vu afin de faire resurgir la carrière et le talent d’une actrice qui a marqué son époque par sa liberté de ton qui tranchait dans une époque codifiée.
Brillante Kiberlain
Bien sûr, une bonne idée ne fait pas un bon film. LA DIVINE choisit de la voie de l’amour pour raconter Bernhardt, évitant donc un biopic général qui irait de la naissance à la mort. Les codes sont respectés, le voyage est balisé : l’histoire de coeur se mêle au comportement fougueux d’une femme jamais réellement agréable, mais souvent respectable. Sandrine Kiberlain prouve une fois de plus qu’elle possède une palette de jeu fantastique, exposant diverses émotions avec une énergie dévastatrice. Elle est le coeur du film et sa plus grande réussite. Globalement, le film est bien réalisé, bien produit (avec une mention spéciale pour la costumière Anaïs Romand) et plutôt bien mené. Ce n’est certainement pas le grand film virevoltant que Bernhardt méritait, mais on s’en contentera. Certes, la structure en flash-back est usé jusqu’à la corde, tous comme les noeuds dramatiques du biopic. Mais la nature du projet oblige à certaines concessions, que ce soit pour les artistes ou les spectateurs. SARAH BERNHARDT, LA DIVINE admire son modèle, mais ne l’épargne pas, et ce n’est pas si mal pour un genre qui ne parvient pas souvent à dépasser sa fonction académique.
AVIS GLOBAL : Sandrine Kiberlain est royale dans la peau de Sarah Bernhardt, qui connaît enfin son premier biopic en France. Bien qu’imparfait et trop sage, ce biopic réalisé par Guillaume Nicloux assure toutefois l’essentiel et offre un éclairage bienvenu sur une artiste hors normes.
NOTE :
SARAH BERNHARDT, LA DIVINE sortira dans les salles le 18 décembre 2024.
Diffusé au Festival du film d’Arras.
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Alexandre, la fresque épique d’Oliver Stone
Passionné par l’histoire d’Alexandre Le Grand, le réalisateur Oliver Stone décide d’en faire une fresque épique qui aurait l’ambition de parcourir l’évolution de ce conquérant aux multiples facettes.
Une reconstitution épique
Nous sommes en 2005 et les films épiques ont le vent en poupe. Relancé par GLADIATOR, le genre a vu cartonner LE DERNIER SAMOURAÏ, TROIE et KINGDOM OF HEAVEN en l’espace de deux ans. Quand Stone lance son projet, la Warner lui laisse libre cours à ses visions et lui octroie un budget de 180 millions ! Le réalisateur se met alors au travail et voit déjà Tom Cruise endosser le rôle principal. Impossible pour l’acteur, déjà occupé sur plusieurs projets. Même chose pour Heath Ledger. Ce sera finalement Colin Farrell à la tête d’un film qui possède une ambition démesurée : 1 500 figurants pouvaient être présents pour certaines séquences, 12 000 pièces d’armement furent crées, 2 000 boucliers, 2 000 glaives, 750 arcs. Deux entrepôts industriels de Marrakech furent convertis en gigantesques ateliers accueillant tous les corps de métier !
En terme de grand spectacle, ALEXANDRE est assurément un film grandiose. Ses coulisses recèlent également de savoureuses anecdotes comme la prise de poids importante (25 kg) de Val Kilmer incarnant le Roi Philippe de Macédoine ou encore la réputation de fêtard de Colin Farrell (qui aurait lassé sa partenaire Angelina Jolie par son insistance). L’acteur s’est en effet blessé à son… hôtel ! Malgré tout, il se fera poser un plâtre pour continuer à tourner rapidement. Autre aléas, la météo. Tourné dans le désert marocain, les prises de vues ont été assaillies d’une gigantesque tempête de sable. Ce jour là, l’équipe s’apprêtait à mettre en boîte une grande séquence de bataille lorsque les températures ont soudainement chuté. Le vent s’est levé, emportant le sable avec lui. Tout le monde s’est dit que ce serait terminé et qu’il fallait retourner à l’abri, mais pas Stone. Il a décidé de montrer Alexandre parcourir les cadavres après la bataille avec cette tempête en arrière-plan !
Des critiques dures
Des conditions particulières pour un film lui aussi particulier. Fortement critiqué à sa sortie, ALEXANDRE doit forcément subir la foudre des historiens qui remarquent de nombreuses incohérences et raccourcis, mais également celle des spectateurs qui restent perturbés par les élans dramaturgiques de Stone. Enfin, la critique le fustige, voyant en ce combat conquérant l’allégorie héroïque de la gouvernance menée par Bush. Résultat, à sa sortie en janvier 2005 (novembre pour les Etats-Unis), le film est un échec cuisant, ne rapportant que 167 millions de dollars de recettes !
Dépité de cet échec, Stone décide de monter trois autres versions dont une version ultime qu’il est impératif de visionner pour tirer toute la puissance évocatrice du long-métrage. Les différences avec
la version cinéma sont nombreuses. Aujourd’hui, ALEXANDRE est bien mieux apprécié qu’à sa sortie surtout grâce à cette nouvelle version ultime qui s’étale sur plus de 3h30. Vous pouvez d’ailleurs vous procurer celle-ci avec la superbe édition éditée par Pathé.
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Que la fête commence, Tavernier et les jeux de la Cour
Dans sa rétrospective qui a pour thème « Amour, perruque et musique, filmer le XVIIIème siècle », le festival du film d’Arras a eu la bonne idée de projeter QUE LA FETE COMMENCE. Deuxième film de la carrière du cinéaste Bertrand Tavernier, c’est une virée dans l’Histoire aussi drôle qu’inquiète, où l’humour tranche dans le vif d’un sujet véritablement décisif.
Une époque chargée
QUE LA FETE COMMENCE se déroule durant la période de la Régence et met en scène la véritable histoire de la conspiration de Pontcallec. Avec l’aide de Jean Aurenche, grand scénariste et dialoguiste ayant notamment travaillé avec Claude Autant-Lara ou René Clément, et de son ami écrivain Jean-Claude Carrière, Bertrand Tavernier dessine les contours de l’histoire qui explorent les thèmes de la décadence et de la politique. Dans une période transitoire où les traces de la future révolte s’amorce dans une ultime séquence troublante, le cinéaste offre un regard critique et acerbe sur le pouvoir.
La comédie s’incarne à l’écran par un vivier d’acteurs tous magnifiques qui déclament les dialogues avec une verve renversante. Son trio Jean-Pierre Marielle – Jean Rochefort – Philippe Noiret est un sommet de précision et de drôlerie. Ils font de la satire un immense terrain de jeu, dans lequel ils exploitent chaque recoin avec une remarquable ingéniosité. Tavernier emprunte au théâtre et pétri certains de ses personnages de modernité. Il dépeint une élite en déclin face à un peuple en souffrance, une distance qui ne fait qu’accroître la rupture qui guette.
Un vrai tournant
Tavernier a filmé QUE LA FETE COMMENCE avec une indéniable ingéniosité en 1975, à une époque où les longs-métrages historiques ressemblaient davantage à du théâtre filmé (et statique) qu’à de véritables plongées dans le passé. On sent la passion du cinéaste pour le Régent, ce qu’il admettra dans un entretien à retrouver le site de l’INA: « Ce personnage était en avance sur son temps, et il n’a pas eu la force, ni la volonté, ni la possibilité, d’accomplir les choses dont il rêvait. C’est un personnage qui me plaît, parce que je trouve que c’est un personnage prodigieusement moderne ». QUE LA FETE COMMENCE est le film de la consécration pour Tavernier. Durant la première cérémonie des César, il obtient quatre récompense (meilleur acteur dans un second rôle pour Jean Rochefort, meilleur scénario, meilleur réalisateur et meilleur décors), permettant au réalisateur de pouvoir poursuivre son oeuvre avec ambition.