Critique de NAPOLEON

Ecrire une chronique sur NAPOLEON est un exercice périlleux. Le film réalisé par Ridley Scott charrie tellement de passions qu’il devient risqué de s’y aventurer. À vrai dire, j’ai mis plusieurs jours à l’écrire, histoire de prendre un peu de recul sur ce drôle de long-métrage qui n’est probablement pas fait pour plaire à tout le monde. Pour le meilleur diront certains. Pour le pire diront d’autres.

Scott et l’Histoire

Je n’ai nullement l’ambition d’être un grand connaisseur de Napoleon Bonaparte, ni d’être un historien

chevronné. Par ce préambule, je veux vous montrer que je me place donc directement dans la catégorie des cinéphiles qui connaissent leur Histoire sans en être des érudits notoires. Narrer le parcours de cet homme si important n’est pas chose aisée puisque l’homme lui-même est déjà la source de nombreux débats. Lui, le passionné des phalanges d’Alexandre Le Grand qui admirait la clairvoyance de Jules César, un fougueux capitaine devenu des années plus tard un Empereur doté d’un « palmarès » militaire d’exception avec 44 batailles victorieuses de 1793 à 1813 ! Ambitieux, autoritaire, redoutable stratège et… amoureux transi de Joséphine de Beauharnais qui est devenue son épouse de 1796 à 1809. C’est par ce biais que Scott a décidé de raconter l’histoire.

En deux heures et demie, c’est bien difficile de contracter une vie aussi riche et on a l’impression d’assister à une succession de saynètes qui empilent une partie de ses exploits revisités. En choisissant de monter son film par le biais d’une alternance entre l’amour contrarié de Napoleon et Josephine et les grandes batailles conquérantes de l’Empereur, Scott désarçonne et ne convainc pas toujours. Ainsi, le portrait sans nuances de Napoleon s’avère parfois étrange, peu aidé par la prestation froide et maussade de Joaquin Phoenix, en roue libre dans quelques scènes. Il cabotine, parfois à raison (il est impérial sur le champ de bataille), parfois à tort (fallait-il en faire autant lors des scènes intimistes ?). On se doute que la version longue de quatre heures (qui verra probablement le jour) va combler de nombreux trous d’air, mais en l’état on juge le film que l’on nous montre. Et il est parfois disgracieux.

Une ambition démesurée

N’empêche, quelque chose se produit au fur et à mesure. Une folie, un appel sidérant de cinéma qui se retrouve dans des séquences épiques que Scott met en scène avec une facilité déconcertante. Là, au détour d’une formidable bataille, NAPOLEON prend son sens ainsi que le pouls de sa dramaturgie. Il n’est jamais meilleur que quand il plonge dans le combat même de cet homme capable d’établir une stratégie selon les événements. « Le grand art, c’est de changer pendant la bataille. Malheur au général qui arrive au combat avec un système » disait-il. Là encore, on regrette que le cinéaste ne prenne pas davantage son temps pour nous placer dans la tête de son protagoniste, mais il parvient à les monter d’une fort belle manière. Il y a aussi, en creux, le portrait d’un homme prêt à tout pour son pays et qui l’aime profondément. Scott l’aborde succinctement, mais privilégie ses colères maritales et son autre amour, celui qu’il porte à sa femme. Dans la peau de Josephine, Vanessa Kirby trouve le bon ton et parvient à nous capter par la profondeur de son regard. L’amour, la haine parfois, puis le manque ensuite animent la relation entre ces deux êtres dont les chemins se rejoignent constamment.

Plongée parfois fascinante dans ce monde d’avant (la reconstitution est assez grandiose, certains plans se transformant en véritables tableaux vivants), NAPOLEON est un métrage qui a du mal à trouver son équilibre, mais qui n’est jamais rebutant. Scott s’efforce à voir grand et n’a jamais peur de se planter. Ça peut agacer, oui, mais on est aussi en droit d’essayer de comprendre où il veut en venir. De toute manière, ne jouons pas les effarouchés : il n’a jamais vraiment été du côté des historiens (son portrait angélique de Christoph Colomb, son révisionnisme de l’ère romaine, les libertés prises pour les Croisades,…). Il voit tout à travers l’oeil de sa caméra sans véritablement se soucier de la véracité historique. Offrons alors le dernier mot au réputé professeur Hamid Dabashi qui disait ceci à l’époque de la sortie de KINGDOM OF HEAVEN : « On n’attend pas d’une œuvre d’art qu’elle nous enseigne l’histoire. Un artiste se sert du savoir qu’il possède et le place dans une œuvre d’art pour démontrer à l’humanité la vanité et la bêtise des actes de violence. ».

AVIS GLOBAL : Ridley Scott replonge dans l’Histoire avec une certaine maestria visuelle et un sens certain de la mise en scène. Mais cela ne fait pas tout et la narration souffre visiblement des grands raccourcis historiques opérés par un scénario qui ne trouve jamais de véritable équilibre.

NOTE :

Note : 3 sur 5.

NAPOLEON est actuellement disponible au cinéma.

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