Box-Office, une nouvelle année noire pour la comédie française en 2023

La pandémie a changé beaucoup d’habitudes et a eu un impact indéniable sur la population concernant sa vision des choses. Le cinéma n’a pas été épargné et, si les chiffres sont en progression, on reste loin de ceux qui prédominaient durant la précédente décennie. 2023 a été l’année de remise en question et d’une lassitude évidente des spectateurs envers des recettes éculées et poussives.

La lassitude du public

Si le cinéma américain a pris un sacré revers cette année avec ses franchises et ses super-héros, il a également surpris avec des films plus « frais » comme SUPER MARIO BROS, BARBIE et OPPENHEIMER.

Certes, les deux premiers cités sont issus de licences bien connues, mais qui n’ont encore jamais été exploitées de cette manière dans les salles. Le troisième montre l’exigence nouvelle d’un public décidé à se déplacer en masse quand la qualité est présente. En France, le genre roi, la comédie, est lui aussi en souffrance. On peut d’abord voir le verre à moitié plein : deux films sont dans le top 10 (et le resteront à coup sûr). Il s’agit de ASTERIX ET OBELIX, L’EMPIRE DU MILIEU (3ème avec 4,598 millions d’entrées) et ALIBI.COM 2 (5ème avec 4,277 millions). Autre mention honorable pour la bande à Fifi (encore elle) avec 3 JOURS MAX qui est 15ème avec 1,802 million d’entrées pour le moment. C’est déjà mieux qu’en 2022 où la comédie la mieux placée était QU’EST-CE QU’ON A TOUS FAIT AU BON DIEU ? 13 ème avec 2,453 millions de tickets vendus.

Les vedettes n’attirent plus

Voyons désormais la vérité en face : hormis ces trois productions, plus aucune comédie n’est présente avant… la 37ème place occupée par SECOND TOUR d’Albert Dupontel (à date, 965 125 entrées). Pire, il est difficile de parler de réelle réussite hormis pour ALIBI.COM 2 qui a été un vrai succès. Pour autant, Philippe Lacheau et sa bande sont les seuls à convoquer massivement les spectateurs en salles. Pour les autres, c’est la douche froide. D’accord, L’EMPIRE DU MILIEU a fait un score solide, mais si on le remet en

perspective par rapport à son budget (60 millions d’euros) et sa place à l’intérieur de la franchise, c’est loin d’être un carton. Si sa popularité fut plus grande que le quatrième film réalisé par Edouard Baer en 2012 (3,8 millions d’entrées), on est loin de ASTERIX AUX JEUX OLYMPIQUES (6,817 millions) et, évidemment, des deux premiers (CONTRE CESAR, 8,948 millions, et l’imbattable MISSION CLEOPATRE, 14,559 millions). Toutefois, c’est dans sa globalité que l’année fut décevante car même les vedettes du genre ont énormément déçu. On commence par le « roi » du box-office Dany Boon qui a réalisé l’un des plus gros bides de l’année au box-office : LA VIE POUR DE VRAI, produit pour la modique somme de 25 millions d’euros, n’a ramené que 802 694 spectateurs dans les salles. Clairement la fin d’un règne quand on sait que ses comédies ont réalisé entre 4,571 millions d’entrées (RAID DINGUE) et 20,489 millions (BIENVENUE CHEZ LES CH’TIS) depuis 2008. Etrangement, ce flop fut passé sous silence par la presse…

Les autres ne sont pas mieux lotis. Avec SECOND TOUR, Dupontel sera loin de ses trois précédents long-métrages (9 MOIS FERME, AU REVOIR LÀ-HAUT, ADIEU LES CONS) qui ont chacun réuni 2 millions de spectateurs. Son dernier opus fera moitié moins à l’instar d’Eric Toledano et Olivier Nakache qui ne s’attendaient probablement pas à rester à quai du million d’entrées avec UNE ANNEE DIFFICILE. Ce sera pourtant le cas puisque leur dernier opus en est à 893 640 tickets vendus et qu’il est en fin de carrière. C’est leur pire score depuis 2009 (TELLEMENT PROCHES et ses 796 719 entrées) et il s’avère surtout très éloigné des standards du duo depuis le phénomène INTOUCHABLES : SAMBA (3,110 millions), LE SENS DE LA FÊTE (3,020 millions) et HORS NORMES (2,108 millions) avaient tous performés. Christian Clavier, souvent habitué aux hauteurs du box-office, n’a pas réussi à faire décoller LES VENGEANCES DE MAÎTRE POUTIFARD qui a plafonné à 516 327 entrées. C’est à peine moins que la bonne surprise LES DEGUNS 2, produit sans vedettes pour seulement 1,8 million d’Euros, qui a réuni 506 470 spectateurs. Et la liste des célébrités qui ont déçu est encore longue : Fabrice Luchini (avec UN HOMME HEUREUX, 476 841 entrées), Franck Dubosc (NOUVEAU DEPART, 284 392 tickets vendus), Kev Adams (COMME PAR MAGIE, seulement 158 301 spectateurs réunis en deux semaines), Thierry Lhermitte (SEXYGENAIRES, 128 814 entrées) ou encore Didier Bourdon qui signe un doublé (79 071 entrées pour 38°5 QUAI DES ORFEVRES et, pour le moment, 225 459 tickets vendus pour INESTIMABLE déjà en fin de carrière).

Et maintenant ?

C’est une évidence, les célébrités comiques ne rassemblent plus. Il y a quelques temps (qui se comptent en années maintenant), n’importe lequel de ces noms pré-cités avait le potentiel pour tirer un film vers le million d’entrées. Ce n’est plus le cas pour la troisième année d’affilée. Il faut donc se poser les bonnes questions et peut-être cesser de produire à tout-va des comédies qui ressemblent davantage à des téléfilms qu’à des films de cinéma. Pour la plupart issus du média télévisuel, les acteurs comiques « nouvelle génération » (comme Ahmed Sylla, Artus et autre Camille Lou) ne sont pas forcément mieux logés et l’aspect événementiel d’une comédie française à voir au cinéma tend à disparaître. Un film comme ALIBI.COM 2 a créé ce phénomène en se construisant sur un bouche à oreille très fort, mais aucune autre n’a véritablement réussi à tirer son épingle du jeu. Le prix des places et l’accès à ce genre de métrages sur les plateformes a aussi changé la donne, bien sûr, mais il ne faudrait pas oublier le peu de créativité du genre. Il n’y a, pas exemple, rien d’étonnant à ce que LA MARGINALE, portée par Corinne Masiero, ait été un lourd échec (51 405 entrées). Entre sujets vus et revus, la lassitude évidente des spectateurs envers les sempiternels mêmes comédiens et comédiennes, l’absence d’ambition artistique et le peu d’intérêt global pour le genre, la comédie française est en train de vivre une période très difficile. Tout est cyclique dit-on, donc il y a des chances que les spectateurs reviennent. Mais quand et à quelle condition ?

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