Critique LE MONDE APRÈS NOUS

À la base de cet étrange film réalisé par Sam Esmail (la série MR.ROBOT), il y a déjà un étrange livre écrit par Rumaan Alam nommé LE MONDE APRÈS NOUS. Les deux oeuvres forment une drôle de synergie imparfaite avec des choix discutables et quelques partis pris assez forts. Que Netflix produise et expose cette oeuvre relève tout de même d’une belle ironie.

Des vacances perturbées

Amanda (Julia Roberts) et Clay (Ethan Hawke) partent en vacances avec leurs deux enfants à Long Island.

Amanda a loué une jolie villa récemment rénovée. Le temps est superbe, la piscine immense, la nature accueillante. Mais lors de la deuxième nuit, un bruit sourd résonne dans le lointain et peu de temps après, on frappe à la porte. Le propriétaire (Mahershala Ali) et sa fille (Mya’la Herrold) arrivent alors, demandant l’hospitalité. Sam Esmail use de ce postulat pour adopter le style d’un golden boy d’Hollywood des années 2000 : M.Night Shyamalan. Les longs plans, la BO lancinante et inquiétante, les soudaines envolées de caméra sur un simple dialogue, la faculté d’inquiéter le spectateur avec le hors-champ. Les inspirations sont là et sont parfois bien digérés, parfois beaucoup moins. C’est d’ailleurs la définition du MONDE APRÈS NOUS : C’est aussi plat que parfaitement emballant à certains moments.

La panne créative

Que ferait le monde si une panne aussi gigantesque intervenait soudainement ? Les événements ne seraient pas progressifs, mais directs et absolus, sans grands moyens de repli. Le réalisateur est intéressant lorsqu’il évoque le point de vue humain. La confiance envers l’autre, l’entraide ou, au contraire la défiance et l’égoïsme. Chacun réagit à sa manière tout en étant le reflet de ce qu’il était déjà précédemment. L’effondrement révèle la part la plus sombre de l’être humain, mais celle-ci se cache finalement dans le quotidien sociétal que l’on vit tous les jours. Ce monologue d’Amanda en témoigne et a pour but de nous faire comprendre l’usante agressivité du personnage incarné par Julia Roberts. Alors LE MONDE APRÈS NOUS nous tend finalement un miroir en nous disant que l’embellissement social n’aidera personne si une telle catastrophe arrivait.

Bon, c’est vrai, ce genre de discours est vieux comme le monde. Alors Esmal tente de l’emballer par une mise en scène « originale » et filme ses acteurs de la manière la plus brute possible. Quand on engage Ethan Hawke, Julia Roberts et Mahershala Ali, le niveau est forcément élevé. Est-ce pour autant leur

meilleur prestation ? Etrangement, on passe plus de deux heures avec eux sans toutefois les connaître véritablement. Le discours ethnique du roman a lui aussi disparu, remplacé par de pauvres dialogues prétendument incisifs de Ruth sur le fait que son père et elle dorment au sous-sol. Mais aucune confrontation, aucune exposition pertinente sur tel ou tel sujet. LE MONDE APRÈS NOUS se veut malin sans l’être vraiment. Si la cause des problèmes est intéressante, elle s’avère assez mal amenée. C’est un peu le reproche qu’on pouvait faire au livre et il s’amplifie avec le film d’où cette impression d’assister à une machine qui tourne à vide et qui tente simplement d’effrayer de manière minimaliste sur le sombre avenir qui peut nous tomber dessus…

Une noirceur cachée

C’est lorsque le film tente de moins intellectualiser son propos qu’il devient intéressant. Quelques visions sont épatantes (le pétrolier qui s’échoue sur la plage, les nombreux cadavres éparpillés suite à un crash d’avion, des Tesla qui s’écrasent les unes sur les autres à cause de dérèglements) et l’ironie mordante de certaines scènes sont cocasses (l’impossibilité de regarder la fin d’une série par manque de réseau dans un film produit par Netflix… puis la fin qui plaira aux cinéphiles purs et durs). Sam Esmail aurait pu être tellement plus incisif avec ce projet, l’emmener vers des sommets de noirceur (le personnage joué par Kevin Bacon aurait d’ailleurs pu être mieux utilisé). C’est dommage, mais c’est ainsi : LE MONDE APRÈS NOUS ne dépasse que rarement le stade des promesses et s’évanouit finalement dans l’anecdotique.

AVIS GLOBAL : Cette adaptation du roman de Rumaan Alam possède de bonnes idées et s’avère parfois intéressant dans son propos, mais elle peine véritablement à maintenir la tension en intellectualisant chaque plan au détriment de l’efficacité.

NOTE :

Note : 2.5 sur 5.

LE MONDE APRÈS NOUS est actuellement disponible sur Netflix.

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