Cruising, polémiques et controverses pour une adaptation sulfureuse

William Friedkin a toujours connu de nombreux remous pour la plupart de ses productions, mais LA CHASSE – CRUISING est probablement celui qui a fait le plus de bruit. Adaptation du roman CRUISING écrit par Gerald Walker, ce film a suscité différentes controverses et a mis du temps à se trouver une place dans la filmographie du cinéaste.

Un sujet épineux

Avec CRUISING, ce n’est pas la première fois que Friedkin s’intéresse à la communauté gay. En 1970, il mettait en scène LES GARÇONS DE LA BANDE, l’un des premiers films à aborder ouvertement le sujet. Pourtant, l’oeuvre fut promptement contestée par la communauté elle-même qui la trouve « stéréotypée et superficielle ». Comme cela lui arrivera souvent, le réalisateur est en avance sur son temps et LES GARÇONS DE LA BANDE ne correspond pas réellement aux moeurs de l’époque. Dix ans plus tard, Friedkin se replonge dans le milieu gay de New-York.

La police new-yorkaise enquête sur deux meurtres d’homosexuels appartenant à la tendance sado-masochiste, qu’elle pense être dus au même tueur. Le capitaine David Edelson (Paul Sorvino), chargé de l’affaire, propose à un jeune policier en uniforme, Steve Burns (Al Pacino) – qui possède les caractéristiques physiques des victimes – d’infiltrer la communauté gay. Comme il ambitionne de devenir « enquêteur », Steve, voyant la possibilité d’une rapide promotion, accepte, en dépit du danger qu’il encourt. Pour l’incarner, Friedkin pense d’abord à Richard Gere, mais ce dernier préfère se tourner vers AMERICAN GIGOLO. Al Pacino va alors faire part de son intérêt envers le rôle. L’acteur fait déjà partie des grands de son époque et il apporte indéniablement une valeur ajoutée à ce projet somme toute casse-gueule.

Tensions à tous les étages

Tout va rapidement s’emballer. Et pas dans le bon sens. Dès que la communauté gay apprend le tournage de CRUISING, certains membres vont s’offusquer, notamment les journalistes Chuck Morris et Paul Hardman qui déclareront : « Tous les jours dans cette ville, des dizaines de personnes gays se font tabasser et frôlent la mort. Ce film va non seulement aggraver cela mais aussi pousser les gens à la violence. Ce serait intelligent de la part des producteurs d’épargner le public et de ne pas sortir ce film. Rien que d’un point de vue purement artistique, le film est un déchet « . Des militants vont alors tenter de saborder le tournage qui se déroule sous une tension constante. Friedkin essaie plusieurs fois de dialoguer et d’assurer à tous qu’il

s’est bien documenté sur l’univers qu’il dépeint avant de l’aborder concrètement, mais ses détracteurs ne l’entendent pas de cette oreille. Il trouvera néanmoins un soutien avec les habitués et adeptes du SM qui jouent les figurants.

Au-delà du contexte, le courant a du mal à passer entre Friedkin et son acteur principal. Il faut dire que ce dernier fait des déclarations peu sympathiques envers le film et ce en plein tournage. Se confiant au magazine PLAYBOY, il dit comprendre toutes les protestations et craintes des homosexuels envers le projet. Il va rapidement le renier lors de sa sortie en salles qui sera elle aussi mouvementée. De son côté, le cinéaste regrette l’attitude de son comédien qu’il trouve inappropriée : il serait régulièrement arrivé en retard les jours de tournages tout en ne connaissant pas son texte.

Une parenthèse

CRUISING sort en février 1980 après que Friedkin a du remonter tout le film après que la mise en garde de la MPAA l’ai contraint à couper 40 minutes de scènes explicites pour ne pas être classé X. Conspué à l’époque, le long-métrage est aujourd’hui largement réhabilité qui aborde un sujet sombre quelques années avant que le SIDA n’entraîne la fermeture de ces établissements où les hommes gays jouissaient d’une certaine liberté. Pour Friedkin, ce projet lui a pris tellement de forces qu’il ne reprendra la caméra que trois ans plus tard pour un film bien plus tranquille avec LE COUP DU SIECLE.

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