Magnolia, les destins croisés de Paul Thomas Anderson

Après BOOGIE NIGHTS, Paul Thomas Anderson haussait le niveau d’écriture et de mise en scène avec un film labyrinthique et totalement effréné : MAGNOLIA, porté par un casting exceptionnel et une direction artistique absolument renversante.

MAGNOLIA, c’est un scénario original et une histoire imaginée de toutes pièces par le réalisateur qui souhaitait mettre en scène « un film intimiste à petite échelle ». L’ambition a gagné le projet au fur et à mesure pour s’étendre sur plusieurs personnages tous connectés à un moment ou un autre du récit. À l’aide d’une introduction rondement menée, PTA livre une fable sur le deuil, l’amour, les regrets, la maladie et la famille. Il offre aussi à tous ses comédiens une possibilité d’incarner des personnages égratignés par de nombreuses fêlures qui se dévoilent au fur et à mesure.

Des récits tous connectés

C’est la vision d’un cinéaste qui voit plus loin et plus grand tout en proposant un mastodonte de trois heures qui ne livre pas toutes les clés en mains aux spectateurs. MAGNOLIA s’appréhende et se laisse découvrir, nous prenant à rebours lorsqu’une certitude émerge. On imagine bien qu’un tel film n’a pas été simple à monter, d’autant que celui-ci a coûté la bagatelle de 37 millions de dollars. PTA a connu de nombreuses pressions de la part de la production qui voulait absolument réduire la durée du film. Trois heures, c’est pourtant le temps qu’il faut à l’ensemble pour nous attacher aux destins de toute cette galerie de protagonistes qui vivent pour expier leurs fautes ou connaître une nouvelle vie en cicatrisant les blessures du passé. Le père est ainsi mis à mal ici, dépeint comme un homme abandonnant sa famille au profit de sa vie professionnelle et personnelle puisque chacun d’eux trompent leur femme avec diverses conquêtes. Les hommes sont questionnés sur leur virilité, leur besoin d’amour et de reconnaissance mêlés à un instinct de séduire qui domine tout. Réalité, fiction, tout se mélange, d’autant plus que la vedette du film, Tom Cruise, joue ici le reflet de sa propre existence. Lui aussi n’a pas revu son père durant des années avant de l’accompagner sur son lit de mort. La séquence de l’interview est, à ce propos, troublante de véracité.

Un casting en or et un échec

D’ailleurs, sans Cruise, MAGNOLIA n’aurait pas vu le jour et on touche là le coeur même d’un projet à part où la star n’a pas hésité à baisser son cachet pour faire partie de ce casting choral éclatant : William H.Macy, John C.Reilly, Philip Seymour Hoffman, Julianne Moore, Philip Baker Hall, Melinda Dillon. Tous ont

une partition à jouer, même si certaines sont peut-être moins marquantes que d’autres (la quête de Donnie Smith, par exemple), il faut relier chaque trajectoire entre elles pour former un ensemble harmonieux. Un véritable magnolia en somme. Pour parvenir à remplir ses objectifs, le cinéaste aura donc usé de son droit au Final Cut avec l’aide précieuse de Cruise au casting. La critique sera fortement emballée par la proposition, moins le grand public qui lui réservera un accueil glacial avec 48 millions de dollars récoltés au box-office.

Paul Thomas Anderson changera ensuite totalement d’univers avec PUNCH-DRUNK LOVE, une comédie sentimentale avec Adam Sandler d’une durée beaucoup plus courte (1h37). Avant de revenir aux personnages sombres et à un univers plus noir avec l’un de ses sommets, THERE WILL BE BLOOD.

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