Memento, l’exercice de style brillant de Christopher Nolan

Retour sur l’un des bijoux de Christopher Nolan, MEMENTO, sorti en 2000. Alors qu’il a bouclé FOLLOWING avec 3 000 dollars de budget, son premier film réalisé avec ses moyens et ses amis sur toute une année, le jeune Nolan, 29 ans, se voit allouer 9 millions de dollars pour réaliser un thriller basé sur une idée de son frère Jonathan. 

Un film qui a marqué les esprits

Le cinéaste l’a toujours clamé haut et fort : le projet MEMENTO a été écrit dans le bon ordre chronologique. Mais Nolan a une idée conséquente et qui fera toute la différence : puisqu’on suit le personnage principal possédant une amnésie partielle (il n’a plus de mémoire immédiate), le montage devrait être totalement déconstruit pour que le spectateur se trouve dans le même état mental que lui. Ce qui fera tout le style du réalisateur (la question du point de vue et ce qu’il implique dans toutes les parties d’un film) devient une véritable idée de génie pour un thriller qui serait resté assez classique fondamentalement (malgré d’élégants rebondissements). Le choc a bien lieu, les festivaliers ne s’en remettent pas, MEMENTO est un film totalement inédit dans sa manière d’interroger le storytelling et de révolutionner le montage. La confiance donnée aux spectateurs est un sacré pari puisque bon nombre d’entre eux ont dû être un peu perdu à sa sortie. Pourtant, malgré INCEPTION et INTERSTELLAR, on n’est pas loin de penser que c’est le meilleur scénario de Christopher Nolan.

D’une part, parce que la deconstruction est totalement justifiée comme on l’a dit plus haut. On s’y perd parfois à l’instar d’un protagoniste (Guy Pearce) qui ne sait pas très bien où il va. Les récits s’entrecroisent et notamment celui (en flash-back) d’un certain Sammy Jenkis (Stephen Tobolowsky) qui aurait perdu sa mémoire également. On ajoute à celui-ci les affaires de la

mystérieuse Natalie (Carrie-Anne Moss) et du trop gentil Teddy (Joe Pantoliano). Il y a quelque chose d’ironique et de sarcastique dans le regard que porte Nolan sur Léonard, le personnage principal. D’abord attachant, il se révèle vite être quelqu’un de plus ambiguë puis devient cet homme pour qui on a de la peine, complètement manipulé par un entourage qui ne lui veut pas que du bien.  

Une plongée cérébrale

La question essentielle du point de vue et de l’ouverture post-intrigue est toujours un point crucial du cinéma de Nolan : Teddy a-t-il menti ? Leonard a-t-il vraiment tué sa femme par accident ? Deux questions dont les réponses planent sur une fin trop évidente pour être totalement vraie. Le cinéaste lui-même joue avec les nerf des spectateurs dans ces cinq minutes de révélations salvatrices où on a enfin toutes les explications qu’on attendait. Toutes ? Malheureusement non ! Mais au-delà de l’ambiguïté nolanienne, MEMENTO est aussi une plongée métaphorique dans le cerveau humain, ce composant essentiel que l’on ne comprend pas totalement. Qu’est-ce que le souvenir si ce n’est une image de l’esprit et de notre mémoire potentiellement transformée ? Par sa richesse thématique (et cinématographique), ce deuxième film préfigure finalement tout ce que sera le cinéma d’un des meilleurs réalisateurs de sa génération. ​

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