Prince des Ténèbres, l’art de la maîtrise visuelle selon John Carpenter

La carrière de John Carpenter a régulièrement pris de drôles de virage. D’abord indépendant en signant des pépites (dont HALLOWEEN et NEW-YORK 1997), il se tourne ensuite vers des films de studio (THE THING, CHRISTINE, STARMAN) à l’intérieur d’un système qu’il rejettera violemment.

L’amour de l’indépendance

PRINCE DES TENEBRES marque son retour à un cinéma plus personnel, délesté de l’ombre envahissante des firmes fortunées. L’échec du génial LES AVENTURES DE JACK BURTON DANS LES GRIFFES DU MANDARIN a marqué une telle rupture que Carpenter préfère repartir en solo pour son nouveau projet. Avec ce dernier, il souhaite tout miser sur une atmosphère terrifiante et décalée, éloignée du tout-venant horrifique qui rejoue facilement les clichés du genre. Dans le fond, le cinéaste a déjà matérialisé son idée et voit PRINCE DES TENEBRES comme le deuxième chapitre de sa « trilogie de l’Apocalypse », entamée en 1982 avec THE THING puis terminée en 1994 avec L’ANTRE DE LA FOLIE.

Un drôle de croisement

Pour le casting, il a plaisir de retrouver Donald Pleasance avec lequel il avait déjà tourné HALLOWEEN et NEW-YORK 1997. Il incarne ici le père Loomis, un homme de foi qui invite le professeur de physique quantique Howard Birack (Victor Wong) et ses étudiants à se joindre à lui dans le sous-sol d’une église abandonnée de Los Angeles. Il a besoin de leur aide pour étudier un mystérieux cylindre de verre contenant un liquide vert tourbillonnant. Mélangeant ésotérisme, religion et physique, Carpenter réalise un drôle de film qui marque les esprits ou… rebute totalement. La genèse de ce projet vient de Debra Hill, une collaboratrice habituelle du cinéaste. En effet, l’idée principale du métrage est issue d’un rêve dans lequel elle voyait une grande figure sombre sortant d’une église. Carpenter fut inspiré par cette image et développa alors le script menant à PRINCE DES TENEBRES. Il plonge dans les mystères de la physique quantique, happé par les dizaines de bouquins qu’il dévore sur le sujet.

La précision absolue

Tout en maîtrise de son art, Carpenter ne laisse rien au hasard. « C’est l’un de mes films les plus « contrôlés » visuellement » dira-t-il. « Chaque plan que je peux voir a un but contrairement à mes autres films où je me laissais un peu aller selon l’humeur du moment. Je laissais improviser les acteurs, je ne me fixais pas forcément

de limites de mise en scène. Ici, chaque image et angle de vue communique quelque chose. ». Le budget limité de 3 millions de dollars ne laisse pas non plus beaucoup de possibilités pour dériver de la feuille de route…

PRINCE DES TENEBRES sort le 23 octobre 1987 aux USA et ne rapporte que 4 millions de dollars là-bas. Toutefois, il se comportera parfaitement dans les vidéoclub où il connaîtra une seconde carrière prolifique. Aujourd’hui, la maîtrise technique du film est toujours aussi fabuleuse tandis que son univers est d’une bizarrerie inexplicable et témoigne du drôle de mélange que son auteur a installé. En résulte un véritable classique du genre qui tranche radicalement avec l’horreur de l’époque (et même moderne). On peut parier que l’on a jamais revu un tel film depuis.

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