Les nerfs à vif, le face-à-face entre Gregory Peck et Robert Mitchum

Trente ans avant la version de Martin Scorsese avec Robert de Niro, le film LES NERFS À VIF réalisé par Jack Lee Thompson réunissait Gregory Peck et Robert Mitchum devant la caméra.

Gregory Peck producteur

Tiré du livre UN ROMAN À ABATTRE écrit par John D.McDonald, LES NERFS À VIF (nommé ainsi car Peck n’aimait pas le titre original) est un film éminemment provocateur qui a bousculé les codes établis à l’époque. Il faut se souvenir que Peck a régulièrement fait des films frondeurs et importants, se mêlant à la politique contestable de son pays et se battant pour l’égalité des droits entre Blancs et Noirs. Le long-métrage DU SILENCE ET DES OMBRES marque notamment les esprits, son personnage d’Atticus Finch devenant un véritable modèle aux Etats-Unis.

Un Mitchum réticent

Il produit ici une transposition réalisée par John Lee Thompson, un cinéaste prolifique qui vient notamment de connaître le succès en 1961 avec LES CANONS DE NAVARONE. LES NERFS À VIF est un film noir qui baigne dans une atmosphère inquiétante avec un Robert Mitchum qui sait être inquiétant devant une caméra (il l’avait déjà montré dans LA NUIT DU CHASSEUR). Il joue ici un ancien détenu désirant se venger du témoin qui huit ans auparavant l’a envoyé en prison, pour une affaire de viol. L’acteur joue avec une aisance folle cet homme détestable, foncièrement mauvais et totalement bestial. Pour le jouer, Gregory Peck ne voit que lui et il fera du forcing auprès d’un Mitchum réticent. Pour l’anecdote, il aurait accepté le rôle après avoir reçu une caisse de bourbon envoyée par Peck et Thompson, déclarant : « D’accord, j’ai bu votre bourbon, je suis ivre, je le ferai ». Légende ou pas, c’est aussi de cela que se nourrit le cinéma. Sur le plateau, les deux hommes se confrontent à leurs techniques de jeu différentes, Peck apprenant méticuleusement son script alors que Mitchum était davantage porté vers le laisser-aller, ne mémorisant ses lignes qu’une poignée de minutes avant le tournage de la scène en question. Accessoirement, ce dernier était régulièrement en état d’ébriété sur le plateau…

Deux versions qui se complètent

Cette version ne va jamais aussi loin que celle de Scorsese qui incomplètement décuplé la violence du propos. LES NERFS À VIF de 1962 joue davantage la carte à l’approche frontale de son propos, là où Scorsese expose davantage une forme d’exhibitionnisme que beaucoup ont d’ailleurs critiqué. Pourtant, à y regarder de plus près, les deux versions se complètent car elles sont révélatrices de leur temps. On ne pouvait évidemment pas montrer les mêmes choses en 1962 qu’en 1991, et on ne choquait pas les spectateurs de la même manière non plus. D’ailleurs, la relation entre les deux est renforcée par l’apparition dans des rôles secondaires de Gregory Peck, Robert Mitchum (qui joue chez Scorsese… un lieutenant !) et Martin Balsam.

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