Thelma et Louise, la virée folle de Ridley Scott

Pendant six mois, Callie Khouri va employer son temps libre pour écrire son scénario à la main avant de le taper sur son ordinateur de bureau. Cette femme alors âgée de 35 ans est en colère par ce qu’elle a vécu : un temps superviseur de vidéos après avoir été serveuse, elle plonge dans un monde d’excès et de virilisme qui l’énerve au plus haut point. Voici le point de départ de THELMA ET LOUISE, l’un des films les plus influents des trois dernières décennies.

Un scénario en béton

Intéressée par ce qu’elle lit, la productrice Mimi Polk Gitlin remet le scénario de Khouri dans les mains de Ridley Scott. Le cinéaste sent tout de suite qu’il a une belle matière à disposition. Ce scénario ne porte sur rien d’autre que les femmes. Dans les bonus du DVD, le cinéaste revient sur cette découverte. « Il y avait du

fond, une voix et une conclusion incroyable qui ne pouvait pas changer. ». Khouri a nourri l’espoir de réaliser son scénario en tant que film indépendant sans budget avec Holly Hunter et Frances McDormand dans les rôles principaux. La scénariste se souvient dans le livre making-of OFF THE CLIFF. « On a cru qu’on trouverait un idiot pour nous donner 5 millions de dollars. Cependant, avant Scott, les producteurs n’ont pas été séduits. L’un d’eux a qualifié les héroïnes de ‘détestables à fond’ « . Erreur de jugement.

En quête de fonds, Scott s’adresse à un vieil ami, Alan Ladd Jr. qui a déjà financé ALIEN et BLADE RUNNER. C’est d’ailleurs lui qui a proposé que Ripley soit une femme. Scott n’est, au départ, pas vraiment partant pour le mettre en scène lui-même. Mais tous les candidats veulent changer le scénario, ce que Scott ne veut pas. Ils le jugent inoffensifs, mais lui le trouve magnifique et épique. Jusqu’au jour où l’évidence lui est mise sous le nez : c’est à lui de se placer derrière la caméra. Il se réunit alors régulièrement avec Callie Khouri et conseille à cette dernière de mettre l’accent sur des « trucs drôles », un terrain que Scott ne maîtrise pas vraiment. Il n’a jamais fait de comédie et il admet que peu de choses le font rire. Ses films penchent vers la gravité, mais si THELMA ET LOUISE est drôle, il peut avoir un attrait universel. C’est sa réflexion.

À la recherche des bonnes actrices

Reste à trouver les actrices. Il doit y avoir une alchimie, une énergie qui éclate à l’écran. Jodie Foster et Michelle Pfeiffer sont bientôt confirmées, mais comme le projet traîne, elles répondent à d’autres offres. Dès que le projet commence à faire du bruit, Polk est submergée de demandes (Nancy Travis, Ellen Barkin, Meg Ryan, Kim Basinger,…) tandis que Alan Ladd Jr. pousse pour embaucher Cher qui vient de remporter un Oscar pour ECLAIR DE LUNE. Scott refuse, ne la trouvant pas assez polyvalente dans son jeu. Après de longues semaines, Geena Davis va faire le forcing, mais elle n’a rien d’une star majeure. Polk, sous le charme, parvient à convaincre ses pairs : elle est assez connue du milieu pour plaire au studio et assez anonyme auprès du public pour coller au réalisme voulu par le film. Pour définitivement convaincre tout le monde, elle s’amène avec des notes ayant pour titre : « Tout ce pourquoi je devais absolument être Louise ». Sauf que Scott veut bien l’engager, mais pour un autre rôle : celui de Thelma. Elle accepte et elle est donc choisie en premier. Pour le deuxième rôle, c’est Susan Sarandon qui est

contactée, mais celle-ci est inflexible : elle ne signera que s’ils gardent la fin. C’est une actrice exigeante et Scott le sait. Mais pour lui, c’est elle Louise. « Il y avait chez Sarandon une hypercompétence proche de Louise; une blessure et du cynisme. Elle portait sa féminité avec fierté ».

Thelma et Louise, l’histoire d’un mythe

Le tournage s’étend alors sur douze semaines et est une aventure à lui tout seul. L’horizon infini et brûlant de la vallée de San Fernando a été peaufiné pour obtenir un réalisme romanesque. Scott se fait plaisir et met en place des plans majestueux que n’auraient pas renié un cinéaste comme John Ford. Il filme l’Amérique avec une force visuelle imparable. La proposition radicale qu’offre THELMA ET LOUISE en 1991 est résumée par l’interrogation du service marketing de MGM sur la façon de vendre le film. Est-ce un film d’action, une histoire de femmes, une comédie, un drame ? Scott est rapidement exaspéré par la campagne qui, pour lui, est à côté de la plaque. Présenté à Cannes en le 20 mai 1991, le film reçoit de belles critiques et sort en salles lors d’un été concurrentiel fort. Mais THELMA ET LOUISE va bien fonctionner et créer un événement culturel fort qui va bien au-delà du cinéma. Fier de cette création, Scott déclarera dans OFF THE CLIFF. « Nous avons vraiment touché quelque chose avec ce film. Mais vous savez ce dont je suis le plus fier ? Que nous ayons fait un film drôle. ».

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