Blade Runner, un monument produit dans la douleur

En 1982, BLADE RUNNER est un flop terrible qui suscite peu de passions. Une oeuvre bien trop en avance sur son temps qui, aujourd’hui, est devenue l’une des plus influentes du genre. Constamment réévalué, le film de Ridley Scott est un modèle à lui tout seul.

Pour accentuer cette aura, la BBC a classé BLADE RUNNER deuxième plus grand film de tous les temps derrière CITIZEN KANE. D’innombrables livres et documentaires ont raconté sa production difficile et l’incroyable inversion de sa popularité, de flop à film culte. En 1981, deux ans après ALIEN, Scott regarde une copie de travail de son nouveau film pour la première fois. Il dira à son monteur, Terry Rawlings : « Je trouve ça merveilleux, mais je n’y comprends rien.« . Une pure prédiction de Scott car BLADE RUNNER est un film difficile à aborder.

Un projet thérapeutique

Publié en 1968, le roman LES ANDROÏDES REVENT-ILS DE MOUTONS ELECTRIQUES ? écrit par Philip

K.Dick, suit les exploits de Rick Deckard, un chasseur d’androïdes sombre, dans une Amérique radioactive où la ligne entre homme et machine est floue. En 1969, un jeune Martin Scorsese l’envisage brièvement. Mais le projet est trop coûteux et il faudra attendre de longues années avant que le dénommé DANGEROUS DAYS soit mis en route. Après ALIEN, Scott est impliqué dans la préproduction du film DUNE, mais il abandonne suite au décès de son frère aîné. Il prend du recul sur sa propre existence et commence à lire le scénario de DANGEROUS DAYS qu’on lui a envoyé. Alors dans un esprit psychologique assez noir, Scott veut le faire en délocalisant le film « dans la rue » pour offrir une vision dystopique brute et totalement réaliste. BLADE RUNNER est un exorcisme pour le cinéaste. Pour donner un sens à son chagrin, il va bâtir un monde entier de science et de mythe.

Ridley Scott et son exigence

Pour l’anecdote, Scott n’a jamais fini le roman originel. « Dick a 95 trames narratives dans les quatre premiers chapitres » dira-t-il. Et il poussera à bout le scénariste Hampton Fancher qui va finir par se lasser des changements constants alors que beaucoup de voix en interne confient que le scénario est déjà parfait. Ces longues séances de travail sont accompagnés d’un choix qui ne plaira pas à tous : Scott engage David Webb Peoples au scénario pour faire d’autres ajustements. Fancher avouera tout de même qu’il est admiratif de l’abnégation du cinéaste. « C’est un gars génial, animé par les rêves. Son imagination est comme un virus, elle n’arrête pas de grandir, de se propager et de se muter. ».

Un Harrison Ford malheureux

Visuellement, Scott est autant inspiré du peintre Edward Hopper que du mouvement expressionniste de Fritz Lang et notamment le chef-d’oeuvre METROPOLIS. Dans le milieu, BLADE RUNNER est considéré comme « le CASABLANCA de la science-fiction ». Concernant le casting, de grands noms sont envisagé pour Deckard (Jack Nicholson, Paul Newman, Clint Eastwood,…). Barbara Hershey, petite amie d’alors de

Fancher, mentionne Harrison Ford qui tourne à l’époque LES AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE avec Steven Spielberg. Ce dernier montre à Scott quelques images et lui dira. « Il va devenir une énorme star ». Ford est choisi et va vivre une drôle d’aventure qui ne lui laissera pas un souvenir vraiment heureux. Il est en complet désaccord avec Scott. L’acteur se sent négligé et de plus en plus agacé de devoir attendre pour jouer, tandis que le réalisateur prépare le moindre détail. Il se demande même si Scott n’est pas davantage passionné par le visuel que ses acteurs…Ford conserve son professionnalisme, mais il est loin d’être heureux.

Une aura toujours plus grande

Le tournage est long et très exigeant menant donc à une sortie en 1982. L’échec est lourd, mais au fil des années, BLADE RUNNER devient une oeuvre décortiquée par les fans et s’impose enfin comme un monument sacré du cinéma. Le scénario, le visuel, le monologue de Rutger Hauer, la musique de Vengelis,… tout devient grandiose et inoubliable. Des autres versions seront montées, BLADE RUNNER se transformant en oeuvre jamais vraiment définitive à l’instar d’APOCALYPSE NOW.

Laisser un commentaire