Ray, Taylor Hackford et Jamie Foxx racontent le destin du Genius

Dans cette collection des biopics musicaux que j’ai entamée la semaine dernière avec THE DOORS, il y est donc question de cinéma, mais également de musique bien sûr. Plus que tout autre film, le biopic musical s’incarne via sa BO qui rejoue souvent les grands classiques des chanteurs dont on raconte l’histoire. Celle de RAY enflamme autant l’écran que les oreilles à la réécoute.

Retracer un parcours mouvementé

Il faut dire que, parfois, le chanteur même s’implique dans la conception musicale du projet. Ce fut le cas de Ray Charles ici qui a travaillé étroitement avec le musicien Craig Armstrong. Le Genius, tel qu’il était surnommé, garda un oeil attentif sur cette production et donna sa bénédiction au réalisateur Taylor Hackford, un passionné du maître. Lui qui avait connu le succès avec OFFICIER ET GENTLEMAN puis, plus tard, L’ASSOCIE DU DIABLE, s’est donc trouvé à la tête d’un projet complexe dont il devait s’imprégner totalement afin de ne rien bâcler de la riche vie de l’artiste. « Ray Charles parcouru un fabuleux itinéraire » déclara le cinéaste à la sortie du film. « J’ai cherché dans ce film à représenter la complexité de ce génie, avec ses qualités et ses défauts. Ray possédait un immense courage et un talent exceptionnel, mais sa vie fut hantée par des drames horribles. Nous avons tenté de dépeindre l’évolution d’un artiste au long d’une période culturellement très riche et novatrice.« .

Hackford est d’ailleurs assez proche du genre musical puisqu’en 1980, pour son premier long-métrage intitulé LE TEMPS DU ROCK’N ROLL, il s’intéressait au destin du producteur de rock Bob Marucci. Pour RAY, le montage financier est difficile : aucun studio n’est intéressé pour financer le film. Via la boîte de production BRISTOL BAY PRODUCTIONS qui produit là son premier film (elle fut auparavant distributrice de vidéos), Taylor Hackford peut poursuivre son travail même si les conditions sont difficiles. Après avoir écrit le script avec James L.White, il doit avoir la bénédiction du chanteur. Ce qu’il aura et qui le poussera

donc à ne rien lâcher. Son équipe se constitue vite et notamment en ce qui concerne le directeur de la photographie : dès que Pawel Edelman a su qu’un biopic sur Ray Charles (dont il est fan) se montait, il a spontanément candidaté auprès de Hackford. Il fut même l’un des premiers à rejoindre l’équipe plus d’un an avant le tournage ! Le script lui est assez audacieux dans sa structure et se termine au milieu de la vie du Genius, le cinéaste considérant que sa vie ultérieure ne se résumait qu’à son succès.

Un acteur habité

Bien sûr, dans le biopic musical, l’acteur ou actrice qui incarne la star a une pression énorme et doit alors se métamorphoser pour « entrer » dans la peau de l’artiste. Ce qui est sûr, c’est que Jamie Foxx n’a pas chômé : jouer la gestuelle, les expressions, la voix, la virtuosité absolue de Ray Charles représentaient déjà un sacré défi. Mais il faut ajouter à cela sa cécité… Pour se faire, Foxx se plonge douze heures par jour dans le noir en se faisant coller les paupières pour ne pas être tenté de les ouvrir ! Il prend également des cours Braille et s’entraîne comme un acharné au piano pour lequel il a déjà une certaine aisance : en effet, l’acteur en joue depuis ses 3 ans. Ce qui ne l’empêche pas de persévérer encore et toujours afin d’être le meilleur possible. À tel point qu’il sera invité par Ray Charles en personne pour qu’ils jouent tous les deux le morceau Thelonious Monk. L’acteur déclarera plus tard. « J’étais nerveux à l’idée de le rencontrer.  Et quand il est rentré dans la pièce je lui ai dit : « Monsieur Charles j’essaie vraiment de vous représenter de mieux que je peux. » Et il m’a répondu : « Tu sais, tant que tu peux jouer le blues, tout ira bien.« .

Un succès public et critique

Foxx atteint de véritables sommets dans ce film, si bien qu’il remportera logiquement l’Oscar du meilleur acteur. La sortie de RAY coïncidera tristement avec le décès du musicien qui survient le 10 juin 2004. Le temps pour lui de visionner le premier montage du long-métrage qui sortira le 29 octobre 2004 aux Etats-Unis. Entre-temps, UNIVERSAL PICTURES assura la distribution et visa les Oscars qui récompensèrent le film par deux fois, pour Fox donc, mais également avec l’Oscar du meilleur mixage son. Au box-office, il rentre largement dans ses frais en récoltant 123 millions de dollars pour 40 millions de budget. En 2020, le magazine Rolling Stone le classe 13ème dans sa liste des meilleurs biopics musicaux de tous les temps. Une belle reconnaissance.

Laisser un commentaire