Je verrai toujours vos visages, une histoire édifiante et nécessaire par Jeanne Herry

ll y a certains films qui dépassent le cadre du cinéma et sont là pour ouvrir les débats sur un sujet important. La justice restaurative en est un. Voilà un système parfaitement méconnu qui consiste à faire dialoguer, avec l’aide d’un médiateur neutre et formé, une victime, l’auteur d’une infraction ou toute personne concernée. Son but est aussi de reconstruire la victime et responsabiliser le malfrat.

Un sujet sensible

Certes, un tel sujet peut prêter au débat et s’aliéner directement une partie des spectateurs. Ceux qui commettent les crimes sont des coupables avant tout, les émotions humaines n’étant que des justifications pour excuser l’inexcusable. Jeanne Herry, la réalisatrice de PUPILLE, traite donc d’un drôle de thème et marche sur des sentiers ardents. Sans surprise, elle ne parvient pas à extraire l’aspect un peu « documentaire » de sa réalisation qui était déjà l’un des défauts de son précédent métrage. Malgré tout, il y a, dans l’utilisation de ses gros plans, la volonté d’aller à l’intérieur de ses personnages pour gratter sous la surface et aller chercher ces mots si difficiles à prononcer. Il fallait alors de sacrés comédiens pour parvenir à tenir la baraque de bout en bout.

Plus que tout, JE VERRAI TOUJOURS VOS VISAGES est un film de performances. Celles-ci sont nécessaires pour qu’on croit à l’histoire narrée. Dès l’introduction, Herry tente de démystifier le tout par le biais d’une mise en scène des entretiens à venir : pour les membres du SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation), il faut s’entraîner avant d’entrer sur le ring parmi les combattants. Tel un coach décidé à guider ses troupes, Denis Podalydès nous sort un discours positif, mais ferme sur les obstacles à surmonter. Engager la discussion pour écouter, écouter sans juger.

Un casting impressionnant

Quand les séances commencent, les barrières s’abaissent peu à peu et l’émotion nous étreint. La victime se raconte avec ses failles et ses propres névroses. Leïla Bekhti, qui joue peut-être là l’une de ses meilleures partitions, revoit encore et encore ces instants de peur lors du braquage d’un commerce dont elle était l’employée. Gilles Lellouche, toujours aussi intense, expose cette terrible nuit où des voleurs l’ont volé en le menaçant lui et sa fille. Enfin Miou-Miou incarne une femme plus âgée, victime d’un vol à

l’arrachée qui culpabilise certainement plus que son voleur. Trois personnages qui font face à de parfaits inconnus, l’un braqueur qui remet toujours la faute sur les autres (Birane Ba), le deuxième qui est plongé dans la drogue et les délits depuis plusieurs années (Fred Testot) et le dernier qui a du mal à saisir les hantises de ses victimes (l’impeccable Dali Benssalah). Durant deux heures, ces six personnages vont s’affronter, se jauger, s’expliquer dans un déluge d’émotions contradictoires qui finissent par nous submerger. Si on est en droit de regretter une fin un peu « trop belle », le reste est une succession virevoltante de dialogues savamment écrits, débités par des comédiens complètement plongés dans la psyché de leur personnage.

En parallèle, JE VERRAI TOUJOURS VOS VISAGES nous montre aussi un récit encore plus intimiste où une jeune femme fut violée à multiples reprises dans sa jeunesse par son grand frère. Ce dernier a fait de la prison, mais lorsqu’il sort la jeune Chloé revit sa douleur et veut le confronter pour qu’il avoue ses torts. Adèle Exarchopoulos l’incarne avec une force bouleversante. Toutes ces histoires forment un récit choral édifiant qui fut récompensé par un très beau succès dans les salles en mars dernier (plus de 1,1 million de spectateurs) et qui pourrait bien connaître une belle seconde vie pour sa sortie en vidéo et VOD.

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