Critique de OPPENHEIMER

Le métronome Christopher Nolan a décidé de poursuivre sa carrière en tranchant net avec son précédent film tout en gardant cette ligne directrice qui le distingue de ses autres confrères. Sa façon de se diversifier (le comic-book movie, le thriller, le film SF, le film de guerre et maintenant le biopic) c’est aussi une manière de montrer qu’il peut tout faire sans jamais enlever ce qui fait sa force. OPPENHEIMER est un pur film « nolanien » dont la maîtrise technique et narrative demeure étourdissante.

Il faut du courage pour bombarder à ce point son public de sons, d’images, de dialogues, d’informations durant trois heures. L’Histoire s’écrit devant nos yeux avec un mélange temporel dingue qui ne nous lâche pas une seule seconde. Nolan n’aime pas quand son cadre ne vit pas alors il le sublime à chaque instant. OPPENHEIMER en devient une expérience totale, sidérante de puissance cinématographique. Son portrait du père de la Bombe Atomique fait froid dans le dos, mais il a l’intelligence de ne jamais trancher sur cet homme aux multiples paradoxes. Il plonge littéralement dans la tête aussi géniale que malade d’un être humain doté de capacités hors normes. Il le décortique, le met (littéralement) à nu tout en le menant vers une inéluctable culpabilité. Pour jouer ces nombreuses facettes, il peut compter sur un acteur lui aussi exceptionnel : Cillian Murphy. Son regard profond image parfaitement les questionnements internes du physicien tandis que la caméra se confronte à ce visage marqué et intense : Nolan et son excellent directeur photo Hoyte van Hoytema (qui a déjà travaillé avec le cinéaste sur INTERSTELLAR, DUNKERQUE et TENET, mais a aussi shooté 007 SPECTRE, AD ASTRA et NOPE) redéfinissent la valeur d’un gros plan et la puissance formelle que celui-ci est en capacité d’induire.

Une Histoire à suivre

Comme il l’avait fait avec DUNKERQUE, Christopher Nolan s’empare d’un genre très balisé pour le retravailler et l’emmener dans une autre direction. Avec sa fameuse obsession du temps, il déroule un récit non linéaire qui pourra éventuellement perdre celui ou celle pour qui les cours d’Histoire étaient une corvée. Le jargon politique, physique et contextuel arrive par vagues successives et il faut parfois

s’accrocher pour ne pas se perdre en cours de route. Surtout dans une dernière heure prodigieuse qui ne laisse aucun répit. D’ailleurs, OPPENHEIMER nous délivre trois heures d’une grande densité, rythmé par l’oppressante BO de Ludwig Goransson et une mise en scène sans aucun temps mort. Le cinéaste se révèle encore une fois parfait dans la direction d’acteurs et permet à son casting de nous offrir des performances de haute volée : outre Murphy, Robert Downey Jr. détonne dans la peau du troublant Lewis Strauss (et rappelle à ceux qui l’ont oublié qu’il était un formidable comédien bien avant Iron Man), Matt Damon assure comme à son habitude, Josh Hartnett surprend dans la peau d’Ernest Lawrence (il a une présence qu’on ne lui soupçonnait pas), Emily Blunt est impeccable en épouse blessée mais tenace tandis que tous les seconds couteaux sont mémorables (Florence Pugh, Rami Malek, Benny Sadfie, Casey Affleck, Dans DeHaan, Jason Clarke, Alden Ehrenreich). Mention spéciale à Gary Oldman qui, en une apparition, parvient à être véritablement terrifiant dans la peau du Président Truman.

Admettons-le, il fallait tout le génie de Chris Nolan pour réussir à rendre passionnant un biopic sur Robert Oppenheimer. Il transforme celui en un thriller fascinant et anxiogène, décortiquant une personnalité troublante, tempétueuse et extraordinaire. Un homme dont l’esprit semble constamment en ébullition et contenu dans une scène finale aussi troublante que glaçante. Un grand film, assurément.

AVIS GLOBAL : Tourbillon de sons et d’images, OPPENHEIMER est une expérience saisissante qui capture l’esprit hors normes d’un homme troublé. Aidé par un casting impeccable, Christopher Nolan nous offre une fois de plus un film à nul autre pareil.

NOTE :

Note : 4.5 sur 5.

OPPENHEIMER est actuellement disponible dans les salles de cinéma.

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