Comancheria, un casting en or pour un film puissant

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Tout débute par un panoramique. Un endroit désert, une femme qui ouvre la banque puis deux hommes l’agressent. Ils veulent de l’argent et vite. Mais leur amateurisme est évident, ce qui causera quelques désagréments tout au long du film. C’est surtout une entrée en matière brutale et paradoxalement drôle. COMANCHERIA est lancé. 

L’Amérique profonde

Ecrit par Taylor Sheridan, scénariste de SICARIO, et réalisé par David McCkenzie (le choc LES POINGS CONTRE LES MURS), ce

western moderne joue sur des dimensions d’échelles importantes, de la plus grande à la plus petite. La première est symbolisée par ces plans ouverts sur le monde et l’horizon, immense et magnifique, enfermant d’autant plus ses personnages dans une misère profonde. Car à côté de ce décor fantasmé de l’Amérique, il y a ces restaurants poussiéreux déserts, tout juste gardés par des serveuses qui se la jouent cow-boy (scène géniale), des rues sans âme, dominées par quelques banques qui feront l’objet d’une jolie tirade de la part d’Alberto, binôme de Marcus interprété par Jeff Bridges, ou encore ces fermiers devant partir à cause d’un feu qui s’est alimenté sur leurs terres. Une toute petite scène, presque en aparté, mais qui vient souligner le propos visé par Sheridan : montrer l’autre face, bien moins belle, du rêve américain. 

La justesse du scénario est incroyable car jamais misérabiliste. Au contraire, il s’avère souvent drôle, notamment à cause de cette situation initiale : deux frères (incarnés par Ben Foster et Chris Pine) braquent les agences d’une même banque, celle qu’ils doivent rembourser. Oui, car leur propriété familiale est saisie et ça se comprend : on a découvert que du pétrole s’y trouvait sous terre. Finalement, ces deux frangins décident de prendre le capitalisme à son propre jeu tout en dépassant, inévitablement, la ligne rouge. L’argent a détruit tout sur son passage, laissant de pauvres gens à la rue où ils sont obligés de vider leur grenier pour retrouver quelques pièces d’anciens dollars. La crise de 2008 a tué, littéralement et psychologiquement, ces petites gens, ceux qui vivent dans l’ombre de la puissance américaine supposée. Sheridan est venu rétablir la justice grâce à cette histoire qui donne un léger avantage à l’action des deux frères, même si l’ensemble est plus complexe que cela.

Un casting époustouflant

La force de COMANCHERIA, c’est bien évident ses personnages et, par conséquent, ses interprètes. Chris Pine est Toby Howard, l’un des deux frères cambrioleurs et le « cerveau » des opérations. Il est aussi la cause de celles-ci parce qu’il a la volonté de voir ses enfants réussir leur vie et ne pas s’engouffrer dans la pauvreté dont il a été victime toute sa vie. Le regard bleu éteint, sa démarche de cow-boy mal assurée, devant jouer le rôle du grand-frère alors qu’il

est le cadet,Chris Pine est absolument grandiose. Il trouve assurément le meilleur rôle de sa carrière. Peut-être grâce, également, à Ben Foster, qui joue son frère. Son exact opposé, plus fou, plus avide, moins réfléchi. D’abord monolithique, son personnage devient, au fil des minutes, un concentré de frustration et d’émotion inattendu ! Ces passages où un silence vaut mille mots (les deux frères sont assis, buvant une bière au coucher du soleil) donnent une force supplémentaire au film.

L’autre binôme est du bon côté de la justice. Là aussi, le feu et la glace s’entremêlent. Jeff Bridges et Gil Birmingham, le blanc et l’indien, le passé et le présent, la mort et la vie. Le premier doit partir en retraite à la fin de cette enquête. Voilà une situation qui le hante, à tel point qu’il dort sous le porche d’un motel miteux ou sur la terrasse d’un restaurant en perdition. C’est là que sa volonté de retrouver les criminels sera anormalement élevée, ce qui le poussera même à l’obsession que son coéquipier essaie d’apaiser. Ses réponses ? Des clichés sur les black, les indiens, les mexicains. Pourtant, il y a dans cet anachronisme une émotion particulière, justement symbolisée par Alberto qui le regarde avec tristesse. C’est la fin d’un monde, de son monde. Jeff Bridges est d’ailleurs magnifique de regrets intériorisés, anéanti psychologiquement par la mort de sa femme (qui n’est dévoilée que par un dialogue furtif mais chargé de peine) et qui montre toute la peur de ce texas ranger de finir croulant dans un canapé à regarder le football, en compagnie de son chien, isolé d’un monde qu’il adore détester. COMANCHERIA a plusieurs facettes et compte sur ses quatre personnages principaux pour se hisser vers des sommets qu’il atteint ! 

Un dénouement pertinent

On ne pouvait pas mieux finir : un face-à-face entre Chris Pine et Jeff Bridges. Le prolétariat a battu la justice. Pourtant, ils forment la victime commune de l’Amérique, qui ne voit que la grandeur et refuse sa propre décadence. Oui, les Etats-Unis brillent extérieurement. COMANCHERIA est venu montré, par le biais d’un thriller, la face cachée des étoiles. 

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