Une date, une histoire : Quand la production de Tango et Cash est devenue une bataille d’ego

Voici une nouvelle rubrique au texte court, qui reviendra régulièrement sur une date clé du cinéma, se référant à un événement en particulier, une sortie de film, une polémique ou tout autre fait qui a eu lieu dans l’Histoire

Nous sommes en 1989 durant la production du film TANGO ET CASH.

En pleine période de Buddy movie, Hollywood poursuit sur sa lancée. Le producteur Jon Peters parle de son idée au scénariste Randy Feldman : un partenariat entre deux flics. L’un est riche, l’autre pauvre et ils se retrouvent en prison. Feldman est sceptique, mais comprend vite les intentions de Peters. Il veut en vérité réunir les deux plus grandes stars de films d’action de l’époque.

Sylvester Stallone donne rapidement son aval et semble même emballé à l’idée de partager l’affiche avec

son grand rival Arnold Schwarzenegger… qui préférera tourner pour Paul Verhoeven dans TOTAL RECALL. Un autre acteur est déniché et ce sera Kurt Russell. Pas vraiment le même statut, surtout qu’il n’a jamais vraiment tenu la vedette d’un film d’action auparavant. Mais TANGO ET CASH est une affaire de producteurs, la Warner laissant les mains libres aux associés Jon Peters et Peter Gruber. Il faut dire que tout réussit aux deux compères : ils ont signé le méga-carton RAIN MAN et s’apprête à enrichir le studio avec BATMAN qui sort à l’été 1989 (au moment où démarre le tournage de TANGO ET CASH). Un tournage loin d’être de tout repos.

Problème, le scénario de Randy Feldman ne semble pas satisfaire grand monde, mais le tournage début tout de même car une sortie est déjà calée à décembre 89. Le climax n’est même encore rédigé ! Stallone s’impose et réécrit une bonne partie des dialogues. Amer, le scénariste déclarera : « Je n’ai aucun problème avec Stallone, il s’est très bien comporté avec moi. Mais il avait des idées très arrêtées sur ce qu’il voulait faire. On me cite régulièrement des passages entiers du film, mais la plupart des dialogues ne me sont pas imputables, tout simplement parce qu’ils ont été écrits par Stallone lui-même. ». La star ira encore plus loin en se permettant carrément de virer Barry Sonnenfeld, le chef opérateur (et futur réalisateur de LA FAMILLE ADDAMS et MEN IN BLACK), au bout de quelques jours. La raison ? Stallone trouve qu’il ne sait pas comment le mettre en valeur et correctement l’éclairer. L’acteur dépêchera en urgence Donald E.Thorin avec lequel il avait collaboré sur HAUTE SECURITE.

Chaque jour, le scénario est réécrit tandis que le réalisateur Andreï Kontchalovski est prié de suivre à lettre les directives de ses deux producteurs ainsi que celles de Stallone. Le cinéaste a pourtant de nombreuses idées (comme déconstruire quelque peu l’image indestructible de Sly), mais on le remet régulièrement dans le droit chemin de son cahier des charges tout en lui imposant des scènes farfelues imaginées par Jon Peters lui-même. Comme cet étrange passage où Cash se travestit… Feldman témoigna. « Je lui ai dit que je ne trouvais pas cette idée vraiment drôle ou cohérente avec le récit. Ce n’est pas comme si nous étions en train de tourner Certains l’aiment chaud. En guise d’argumentation, Jon Peters m’a menacé de violences. Je me suis donc rendu sur le plateau pour expliquer à Kurt Russell que j’allais devoir écrire une séquence dans laquelle son personnage va se travestir. Pour toute réponse, Kurt Russell me dit : “J’en ai fait des choses stupides au cinéma, mais en général, je ne le fais pas exprès.” « .

Le producteur exécutif Larry J.Franco sera très mécontent de l’organisation désastreuse de la production et se fendra d’une déclaration impériale. « Tango & Cash est de loin la pire production sur laquelle j’ai pu travailler. Et pourtant, j’ai travaillé sur Apocalypse Now !« . Outch. Le chaos règne un peu partout, l’équipe ne sachant même pas ce qui sera tourné le lendemain puisque le scénario est écrit au fur et à mesure, sans grand fil conducteur. Quant au montage, il pourrait presque être attribué aux producteurs, tant ces derniers ont commandé les affaires. La Warner se retrouve alors avec une grosse production sur les bras qui lui a coûté près de 60 millions de dollars (le film avait un budget initial compris entre 30 et 35 millions…) et se contentera de faibles recettes puisque TANGO ET CASH amassera seulement 120 millions dans le monde et un petit 63 millions aux USA.

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