Critique de KILLERS OF THE FLOWER MOON

De manière directe et frontale, KILLERS OF THE FLOWER MOON est une proposition de cinéma inouïe réalisée par l’un de ses plus grands emblèmes, Martin Scorsese. Trois heures trente pour raconter un morceau méconnu de l’Histoire américaine dans une ambition romanesque et gargantuesque. Avec son budget de 200 millions de dollars et son aspect anti-spectaculaire, KILLERS OF THE FLOWER MOON tend à démontrer que ce genre de place n’est pas uniquement destinée aux blockbusters conventionnels.

Une histoire tragique

Au début du XXème siècle, le pétrole a apporté la fortune au peuple Osage qui, du jour au lendemain, est devenu l’un des plus riches du monde. La richesse de ces Amérindiens attire aussitôt la convoitise de Blancs peu recommandables qui intriguent, soutirent et volent autant d’argent Osage que possible avant de recourir au meurtre. Voilà pour le pitch du long-métrage. Scorsese veut prendre son temps, raconter son histoire d’une manière crépusculaire où les ténèbres ont déjà recouvert l’écran dès l’arrivée de ce drôle d’oiseau qu’est Ernest Burkhart, homme d’une cupidité absolue, qui va se retrouver pris au piège par celle-ci. Jamais trop honnête, mais amoureux de sa femme Osage Mollie, il est difficile à cerner et se retrouve constamment sous la coupe de son oncle tyran William Hale. Mais quand la machinerie est lancée, il est bien difficile de la stopper.

KILLERS OF THE FLOWER MOON poursuit le sillage de SILENCE et THE IRISHMAN : il pose lentement ses enjeux, étudiant patiemment la psychologie de ses personnages tout en plaçant ici ou là de brutales ellipses. C’est un roman visuelle auquel on assiste, une odyssée que n’aurait pas renié un auteur comme John Steinbeck. Scorsese appuie là où ça fait mal, narrant cette insidieuse ascension des hommes blancs

au sein d’une communauté riche et prospère. Les mariages mixtes s’accumulent sous l’oeil dépité des anciens qui y voient un mauvais présage (à raison). C’est l’anti-AFFRANCHIS ou LE LOUP DE WALL STREET. Ceux qui pensaient retrouver un rythme d’enfer ici devront ronger leur frein. Proche de l’abstraction à certains moments (comme ces flammes qui dévorent les terres et le personnage d’Ernest dans une synergie folle), KILLERS OF THE FLOWER MOON demande de la patience et une immersion totale du spectateur dans cette histoire assez froide où l’émotion a bien du mal à transparaître. Le cinéaste est en colère et est bien décidé à le montrer.

Du grand cinéma

À la sortie, c’est bien difficile de trouver les mots pour exprimer son propre ressenti. Indiscutablement, c’est une oeuvre importante qui replace cette histoire dans l’Histoire avec un grand h. C’est magnifiquement réalisé et parfaitement interprété : DiCaprio trouve l’équilibre de son personnage avec des mimiques démentes (même s’il est parfois proche de l’excès), De Niro est prodigieux en monstre de l’ombre qui peut paraître angélique auprès des autres tandis que Gladstone est impériale dans la peau d’une femme aux sentiments contrariés. Il y a tellement d’idées de cinéma qu’on est forcément obligé de s’incliner à de nombreuses reprises : une main qui se pose sur une épaule pour bien appuyer l’emprise d’un homme sur un autre, une contre-plongée pour écraser un Ernest pliant sous le poids de la culpabilité, des regards troublants et tellement évocateurs lors des scènes de repas. Scorsese élève au rang d’art cette forme de simplicité qui rend tout limpide et pertinent. L’ensemble est sûrement trop long et ne plaira peut-être pas à tous par son traitement aussi froid que frondeur d’une tragédie terrifiante qui montre que l’Histoire peut facilement s’effacer à cause de ceux qui la racontent.

AVIS GLOBAL : Traversé par une grandeur écrasante, KILLERS OF THE FLOWER MOON est un film-fleuve qui déroule, à son rythme, une histoire terrible où la Mort est reine. Porté par un casting impeccable et une ambition formelle détonnante, voilà une oeuvre indispensable qui privilégie la colère à la tristesse.

NOTE :

Note : 4 sur 5.

KILLERS OF THE FLOWER MOON est actuellement disponible dans les salles de cinéma.

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