Les Duellistes, la première oeuvre de Ridley Scott

Pour son premier film, Ridley Scott, voulait adapter AU COEUR DES TENEBRES de Joseph Conrad dont les implications de production sont trop énormes. Un autre cinéaste nommé Francis Ford Coppola s’y intéresse déjà et est sur le point de lancer APOCALYPSE NOW.

Conrad dans le viseur

Il se tourne alors vers une autre histoire de Conrad, LE DUEL, portrait de deux officiers napoléoniens qui s’affrontent de manière répétée. Leur motivation perd vite son importance, supplantée par l’ironie de l’honneur et du goût du combat. « Elle faisait moins de 80 pages et résumait la folie d’une dispute » expliquait Ridley Scott lors d’une interview-rétrospective en 2005. « À la fin d’une période de vingt ans, l’un d’eux a oublié la raison pour laquelle ils se battent. ». Scott montre déjà sa fascination pour certains thèmes : le film d’époque, l’action et un commentaire sur l’absurdité humaine. Le scénariste Gérald Vaughn-Hughes propose un scénario allant de 1800 à 1816, le crépuscule de l’époque napoléonienne, rythmé par une série de duels entre le coléreux Féraud et d’Hubert, hussard plus flegmatique.

Une véracité à l’économie

Si Scott sait gérer de l’argent et un plateau de tournage avec ses nombreux clips et publicités réalisés, il se heurte toutefois aux règles cinématographiques. Ainsi, même s’il fonctionne à l’économie, 700 000 dollars sont nécessaires pour produire son premier film. Il s’adresse alors au producteur David Puttnam, un producteur anglais qui accepte de l’aider. L’idée initiale de Scott est de choisir le ténébreux et dynamique Oliver Reed pour Féraud et l’élégant Michael York pour d’Hubert. Mais les stars anglaises sont trop chères et Puttnam lui propose de s’orienter davantage vers les acteurs US. Ainsi, Scott part six mois en Californie et choisit Harvey Keitel et Keith Carradine dans les rôles principaux. Leurs deux silhouettes sont totalement opposées et c’est ce qui amuse le cinéaste : Keitel est petit et trapu tandis que Carradine, grand et mince.

Si ses duellistes sont des archétypes, Scott cherche du réalisme dans l’action. Malgré les faibles moyens, il s’efforce de donner de la véracité à son aspect visuel. Une volonté qui s’étendra tout au long de sa carrière. Mais pas celle des retards de production. Aujourd’hui, le cinéaste est reconnu pour son efficacité hallucinante : pour exemple, NAPOLEON, son dernier opus en date qui sortira le 22 novembre, a été tourné en 61 jours au lieu des 150 jours minimum requis pour un tel Blockbuster ! Mais pour LES

DUELLISTES, les retards l’obligent à tourner pendant l’hiver rigoureux de 1976. Lui et son équipe restent donc 58 jours avec 56 jours de pluie à la clé. Utilisant ces intempéries comme le filtra parfait, Scott crée un film magnifique qui nous offrent quelques images mémorables.

Critiques et postérité

LES DUELLISTES est présenté pour la première fois au festival de Cannes le 22 mai 1977. Le producteur Puttnam a réussi à obtenir une sélection, mais la Paramount craint qu’il soit trop ambitieux et ne le distribue que dans… sept cinémas. Les critiques n’ont pas toujours été tendres envers ce nouveau cinéaste dont le film fut jugé comme « trop beau », le genre d’adjectif qui lui sera d’ailleurs attribué régulièrement tout au long de sa carrière et qui confirmera l’aversion du cinéaste envers les critiques. Finalement, en 2023, la postérité du film est parfaitement résumé par son auteur : « Je suis tombé sur LES DUELLISTES sur Netflix et j’ai été stupéfait de constater qu’il est très bien noté. Si je regarde rarement mes vieux films, je me suis arrêté pour lui accorder dix minutes. Et je suis resté là deux heures. ».

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