La Forteresse Noire, Michael Mann plonge dans le fantastique

De toute sa filmographie, LA FORTERESSE NOIRE est probablement le film le plus étonnant de Michael Mann. Que ce soit dans le ton, le sujet choisi et le genre exploité, on ne retrouvera plus réellement d’équivalent par la suite si ce n’est, peut-être, dans MANHUNTER.

Entrer dans les ténèbres

C’est aussi le film le moins apprécié de sa carrière. Même MIAMI VICE n’a pas connu d’avis aussi négatifs. Mais c’est surtout une oeuvre malade, terriblement malmenée en coulisses. Deux ans après LE SOLITAIRE, Mann réalise donc son deuxième film avec LA FORTERESSE NOIRE, adaptation du roman LE DONJON écrit

par Francis Paul Wilson. Le cinéaste a beaucoup d’ambition et souhaite faire un film d’horreur avec du style. C’est ce qu’il déclarait à l’époque. « C’est une histoire de conte de fées pour les adultes. Les contes de fées ont le pouvoir des rêves, de l’extérieur. J’ai décidé de styliser largement la direction artistique et la photographie, mais, dans le même temps, utiliser une caractérisation et des dialogues réalistes. ».

L’histoire nous mène en Roumanie, en avril 1941, où une troupe de soldats allemands investit un petit village et prend possession de sa vieille forteresse bien que son gardien mette en garde l’officier commandant la troupe sur une présence surnaturelle en son sein. Le bâtiment se présente selon une architecture inversée et semble, apparemment, plus protéger l’extérieur de son contenu, plutôt que de se protéger d’une intrusion. 108 croix en nickel sont accrochées sur les murs, à l’intérieur du bâtiment. Deux soldats, pensant qu’elles sont en argent, en détachent une, descellant ainsi une pierre du mur et libèrent une brume cachant une créature qui chaque nuit tuera des soldats en commençant par ceux qui ont descellé la pierre. Une garnison composé de S.S. débarque en renfort.

De nombreux problèmes de production

Michael Mann s’est passionné pour son sujet, partant durant de longues journées en Roumanie pour y dénicher de nombreux décors. À l’époque, le pays était isolé et communiste. « J’ai trouvé la Roumanie fascinante » expliqua-t-il. « Mes idées sur ces contrées étaient fausses. Je m’attendais à des paysages gris et tristes, mais comme la Guerre n’est jamais passée par là ce n’était pas le cas. C’était un endroit très vivant. ». Le cinéaste désire réaliser une métaphore sur le Mal en montrant l’absurdité de l’horreur nazie. Influencé par les écrits de H.P Lovecraft, Mann tente de mettre en scène son récit de manière grandiose, se souvenant au passage des grands moments du cinéma expressionniste allemande des années 20.

Pour se faire, l’intransigeance dont il fera preuve aura le don d’agacer l’équipe technique et les comédiens. Notamment à cause du nombre de prises de vues qui se multiplie encore et encore. Les ennuis vont commencer à s’accumuler (le tournage dure près d’un an !) tandis qu’un terrible drame vient percuter la production : le superviseur des effets visuels, Wally Veevers, décède durant le tournage, ce qui entraînera beaucoup de retard et des plans souffrant de trucages approximatifs. Toutefois, l’ambition reste forte pour le réalisateur qui aboutit à un premier montage de 3h30, ce qui aura le don de scotcher les dirigeants de la Paramount. Mais pas dans le sens voulu. Michael Mann se fait charger et une nouvelle version est demandée. Résultat, LA FORTERESSE NOIRE est réduit à 96 minutes, une version que le cinéaste reniera.

À sa sortie aux Etats-Unis en 1983, le film essuie de nombreuses critiques négatives tout en étant un énorme échec au box-office. Après cela, le cinéaste ne reviendra plus jamais au genre et se détournera du cinéma pour préparer l’une des séries les plus cultes du petit écran : MIAMI VICE.

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