La valse des pantins, les dérives d’un rêve vues par Scorsese

Etrangement, LA VALSE DES PANTINS n’est pas toujours cité dans les oeuvres phares du grand Martin Scorsese. Je reconnais qu’au vu de sa filmographie incroyable, on peut facilement s’y perdre. Malgré tout, cette absence reste étonnante puisque cet immense long-métrage porté par un sensationnel Robert de Niro reste d’une subtilité effarante. 

Ceux qui ont vu JOKER peuvent constater le parallèle troublant et évident qui existe entre les deux oeuvres. LA VALSE DES PANTINS n’est, d’ailleurs, qu’une envie de comédie de la part de Robert de Niro. Ce dernier sort de l’intense RAGING BULL et désire faire un film plus léger tout en voulant retravailler avec Scorsese. Celui-ci veut adapter le roman de Nikos Kazantzakis, LA DERNIERE TENTATION DU CHRIST (qu’il réalisera par la suite) tandis que l’autre achète le script d’un dénommé Paul D.Zimmerman. D’abord confiée à Michael Cimino, la réalisation est laissée libre à cause des retards qui deviennent catastrophiques financièrement de LA PORTE DU PARADIS. Martin Scorsese va donc se retrouver sur le projet et transformer le concept en une comédie noire plus amère que vraiment drôle. 

À la recherche d’un second souffle

A cette époque, lui-même épuisé par le tournage de RAGING BULL, il désire reprendre la caméra, mais pour un projet plus rapide à monter. De Niro aura les mots. « C’est un film que tu pourrais tourner à New York, très rapidement. Tu ferais ce que tu veux.« . Le cinéaste accepte le projet qui deviendra donc le bien nommé LA VALSE DES PANTINS. Robert de Niro incarne Ruppert Pupkin, un comique en herbe, qui s’imagine que l’animateur vedette Jerry Langford (interprété par un génial Jerry Lewis) veut qu’il passe dans son émission et fantasme même qu’il le remplace à la tête du show ! Constamment repoussé par l’équipe de Langford, Pupkin imagine avec une autre fan, Masha (Sandra Bernhard), de kidnapper Langford. 

Critique du système autant qu’étude d’un cas sociologique passionnant, le film de Scorsese est une véritable merveille qui représentera l’un des plus gros flops de sa carrière à sa sortie ! Aujourd’hui, il est bien mieux considéré, loin des spectaculaires AFFRANCHIS ou CASINO, mais possède toujours une pertinence effrayante. Avec la télé-réalité et les réseaux sociaux, ce besoin maladif pour certaines personnes de devenir célèbre grâce à l’image et au show-business est devenu bien supérieur à celui des 80s. LA VALSE DES

PANTINS parle de ce tout ce qu’on est prêt à faire pour être reconnu, y compris aller au-dessus des lois. Je trouve le film réellement thématiquement plus ancré dans notre époque où le regard des autres compte plus que tout. Dans une génération associée à l’immédiateté et à la célébrité rapide (et pas toujours pour les bonnes raisons), on peut y voir un commentaire sombre à retardement, comme si Scorsese s’était plongé dans notre époque pour revenir des décennies auparavant nous avertir du mal qui nous guette. En cela, LA VALSE DES PANTINS est renversant. Enfin, on ne peut évoquer ce film sans la performance exceptionnelle de Robert de Niro, aussi bluffant qu’inquiétant en clown triste. ​

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