Snake Eyes, une histoire de points de vue par Brian de Palma

SNAKE EYES cristallise à peu près toutes les problématiques du cinéma de Brian de Palma. C’est aussi l’un de ses films qui divisent le plus ses aficionados…

Révélateur de vérités

Le palais des sports d’Atlantic City contient à peine la foule venue assister au match du siècle, où s’affrontent deux poids lourds de la boxe. Soudain des coups de feu éclatent à proximité du ring et le secrétaire d’Etat à la Defense s’effondre, mortellement blessé. L’enquête commence sous la direction de l’inspecteur Rick Santoro (Nicolas Cage), policier corrompu. Rick va s’efforcer de sauver sa réputation ainsi que celle de son ami Kevin Dunne (Lou Logan), chargé de la sécurité du secrétaire d’Etat, et qui s’était malencontreusement absenté au moment du drame… Suite au succès de MISSION IMPOSSIBLE, Brian de Palma a de nouveau les coudées franches pour ses projets. Il décide de retravailler avec David Koepp, les deux hommes ayant déjà collaboré sur L’IMPASSE.

Le scénariste a l’idée d’un meurtre qui serait vu de plusieurs points de vues différents. Un parti pris qui passionne de Palma et qui le pousse à se lancer dans le projet. SNAKE EYES se transforme peu à peu en oeuvre somme pour le cinéaste et va cocher toutes les cases d’un film outrancier qui brille par sa générosité. À ce titre, le choix d’un Nicolas Cage abusif colle parfaitement à la dérive d’un long-métrage

indéniablement excessif. Toutefois, De Palma ne fait que reprendre ici les thématiques qui l’animaient comme le pouvoir du regard (ou du point de vue), la puissance de l’imagination et le poids des images qui peuvent être interpréter de différentes manières. Pour poser cette vision, il réalise une entame de maître : un plan-séquence de dix minutes que le reste du film va s’acharner à déconstruire. On voit d’abord cet ensemble du point de vue de Santoro avant que l’on nous rende notre propre regard lorsque le montage va s’efforcer de rétablir les faits.

L’obsession d’un grand cinéaste

C’est un travail passionnant fait par un passionné. En grand admirateur d’Alfred Hitchcock, De Palma livre un travail d’orfèvre, d’une précision diabolique. Certains trouvent l’exercice vain et borderline (à l’instar d’une dernière demi-heure effectivement mal maîtrisée), mais on peut admettre objectivement que la rigueur artistique de SNAKE EYES saute aux yeux. Dans son rapport à l’image, le metteur en scène nous livre son point de vue obsessionnel et jusqu’au boutiste qui témoigne de son amour immodéré pour le 7ème art. Produit pour la somme imposante de 73 millions de dollars, SNAKE EYES ne sera malheureusement pas un succès et finira sa carrière avec 103 millions de dollars. Après ça, De Palma ne jouira plus jamais d’une si grande liberté pour l’un de ses projets…

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