Un shérif à New York, quand Clint Eastwood a rencontré Don Siegel

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Quand on revoit UN SHERIF A NEW YORK, on est frappé par l’autodérision de Clint Eastwood qui rejoue son personnage de cowboy monolithique avec une détente détonnante. Ce shérif habitué des endroits déserts et qui se retrouve dans une grande ville grouillante de monde est l’attrait principal d’un film archaïque.

Il faut bien l’avouer, la première collaboration entre Eastwood l’acteur et Don Siegel le réalisateur, n’est pas la plus brillante qui soit. Outre le rythme assez lent, le film trouve maladroitement l’équilibre entre second degrés et enjeux narratifs. Eastwood et Siegel en rajoutent plusieurs couches ironiques dans la description du machisme de Coogan, présenté comme un homme blanc viril et invincible, caricature d’une époque qui voit les femmes progresser socialement. Il drague tout ce qui bouge et s’amuse avec le genre féminin avec aisance et arrogance. Même la scène introductive peut se voir comme une caricature de la suprématie blanche sur le propre terrain des Américains natifs (les Indiens). Exceptée cette ironie qui est parfois difficilement discernable, il faut souligner une belle habileté dans les dialogues et une poursuite finale assez nerveuse, filmée de surcroit en extérieur.

UN SHERIF A NEW YORK est le résultat d’une gestation chaotique puisque Don Siegel fut appelé à la rescousse par des producteurs dépassés qui ont renvoyé de nombreux réalisateurs et scénaristes. Solide cinéaste de film d’action (LES REVOLTES DE LA CELLULE 11, L’INVASION DES PROFANATEURS DE SEPULTURES), Siegel va donc faire le job et changer sa carrière grâce à sa rencontre avec Eastwood. Ce dernier, particulièrement reconnu en Europe grâce à la Trilogie du Dollar de Sergio Leone, ne possède pas encore une renommée importante aux USA. Moyennement appréciée, la trilogie de Leone n’a pas fait de vagues au pays de l’Oncle Sam. Après avoir tourné divers westerns, il renoue avec UNIVERSAL (qui avait résilié son contrat des années auparavant) qui lui assure donc le premier rôle d’un projet nommé UN SHERIF A NEW YORK. D’abord conçu comme une série TV, le script est réécrit par Dean Riesner (futur scénariste de L’INSPECTEUR HARRY) qui le transforme en film. Inspiré par les pérégrinations d’Eastwood, un feuilleton verra quand même le jour en 1970 avec Dennis Weaver dans le rôle principal. 

Avec son Stetson, son costume en tergal et ses bottes, le dénommé Coogan ne passe pas inaperçu dans la jungle new-yorkaise marquée par le mouvement hippie et la contre-culture. Un avant-goût de L’INSPECTEUR HARRY, en somme. Après le tournage qui se déroule à l’automne 1967, la fusion entre Siegel et Eastwood est forte. Ce dernier reconnaîtra même plus tard que le cinéaste

aura été son second mentor après Leone. Se tournant déjà vers l’avenir les deux hommes vont tourner SIERRA TORRIDE et le brillant LES PROIES. Puis ils créeront un mythe avec L’INSPECTEUR HARRY en 1971, aussi adoré que controversé. 

Ils collaboreront une dernière fois avec l’excellent L’EVADE D’ALCATRAZ en 1979. Entre temps, Siegel aura donné l’envie à Eastwood de devenir cinéaste. Décédé en 1991, le premier connaîtra un bel hommage du second qui lui dédia l’un de ses plus grands chefs-d’oeuvre : IMPITOYABLE, en 1992. 

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