Le Guépard, la petite histoire d’un film grandiose

Trois ans après ROCCO ET SES FRERES, le réalisateur Luchino Visconti retrouvait Alain Delon pour LE GUEPARD, une fresque historique majestueuse adaptée du roman éponyme écrit par Giuseppe Tomasi di Lampedusa.

Argent et concessions

En 1860, tandis que la Sicile est submergée par les bouleversements de Garibaldi et de ses Chemises

Rouges, le prince Salina (Burt Lancaster) se rend avec toute sa famille dans sa résidence de Donnafugata. Prévoyant le déclin de l’aristocratie, ce dernier accepte une mésalliance et marie son neveu Tancrède à la fille du maire de la ville, représentant la classe montante. Palme d’or au festival de Cannes en 1963, LE GUEPARD prolonge la relecture de l’Histoire de l’Italie entreprise par Visconti avec SENSO en 1954. Bénéficiant de moyens colossaux, le cinéaste devra également faire quelques concessions en coulisses où le choix de l’acteur principal lui est imposé contre son gré…

Burt Lancaster, le mal-aimé

Dans sa tête, le rôle principal était destiné à Laurence Olivier, acteur très shakespearien, qui correspond davantage au rôle écrit. Lorsqu’on lui dit que Burt Lancaster jouera le rôle principal du film, Visconti est déçu. Les 50s ont offert à l’acteur une célébrité méritée avec quelques rôles marquants comme celui du sergent Milton Warden dans TANT QU’IL Y AURA DES HOMMES de Fred Zinneman. Mais Visconti, lui, ne le trouve pas assez talentueux pour incarner le grand prince Salina. La rencontre entre les deux hommes va alors virer à la confrontation, le cinéaste lui réservant un traitement sévère et bien différent des autres acteurs. Réputé pour son caractère frondeur, Lancaster le confronte et, selon la légende, a tellement impressionné le cinéaste par la sincérité de ses propos qu’ils sont finalement devenus amis. Du moins pendant le tournage.

Un perfectionnisme impressionnant

Pour Alain Delon, l’aventure fut bien plus agréable. Chouchou du cinéaste, il était le seul à avoir un vestiaire, rendant Lancaster jaloux des différences instaurées sur le plateau. Mais au-delà de ces petites batailles d’ego, Visconti est un perfectionniste qui met en boîte un long-métrage d’une précision

diabolique. Claudia Cardinale était d’ailleurs très impressionnée par son sens du détail et notamment par ce mouchoir d’époque brodé qu’elle portait sur elle, mais qu’on ne verra jamais à l’écran ! Le cinéaste a besoin de cette véracité, se plongeant allègrement dans une époque où il rend tout sublime, dressant le portrait d’un aristocrate témoin de son temps auquel il s’identifie totalement. La production est hors normes, s’étalant sur quinze mois avec de nombreux décors érigés et une fabrication intensive de costumes.

Grandement récompensé, LE GUEPARD sera également un grand succès en salles, attirant pas moins de 3,649 millions de spectateurs dans les salles françaises. Visconti enchaînera ensuite avec un film bien moins grandiose (et connu), mais tout aussi intéressant avec SANDRA pour lequel il retrouve Cardia Cardinale.

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