N’ayant véritablement aucune obligation structurelle de délimitation temporelle concernant mes chroniques ou critiques de films, je peux donc laisser les jours s’écouler avant de rendre mon verdict sur un film visionné. Pour ma part, c’est une étape nécessaire afin d’éviter les fameux avis instantanés qui fleurissent un peu partout et qui sont dénués de recul sur l’oeuvre visionnée.
D’autant qu’on parle ici d’un film longtemps attendu, déjà décrypté, analysé, défendu, attaqué, bref un événement cinématographique. Comment faire suite à AVATAR, le blockbuster visionnaire et multi-milliardaire d’un réalisateur hors normes ? Il y a treize ans, la 3D était sublime, précise, immersive, mais malmenée par les limites imposées (la baisse de luminosité, la technologie encore balbutiante). Cette fois, on peut voir LA VOIE DE L’EAU dans à peu près tous les formats possibles et imaginables : 2D, 3D, 3D HFR, IMAX, 4D… et j’en passe. Le cinéma s’est repensé, AVATAR a transformé les projecteurs numériques en norme et les salles se sont largement étoffées technologiquement parlant. C’est l’effet Cameron, certes, mais c’est aussi une nécessité afin de poursuivre l’évolution d’un art qui a dépassé un siècle.
De mémoire, jamais encore je n’avais assisté à une séance de film aussi immersive que celle de LA VOIE DE L’EAU (visionnée en HFR 3D). Dès les premiers instants, cela saute aux yeux : on intègre littéralement Pandora. La technique met une claque et nous fait rêver pendant plus de trois heures grâce à l’extraordinaire univers créé par Cameron. Tout devient palpable, vivant, scotchant. Plus qu’un film, le cinéaste nous offre un spectacle (presque) vivant, une expérience dont il est difficile de sortir. Les séquences aquatiques, celles qui ont donné tant de maux de crâne aux équipes techniques, sont absolument fabuleuses et témoignent du perfectionnisme absolu de leur créateur. Tout ceci ne relève toutefois pas d’un gadget qu’il serait facile d’agiter pour attirer les spectateurs en manque de sensations fortes. LA VOIE DE L’EAU n’est jamais un blockbuster décérébré qui tente de monter des séquences d’action dantesques pour combler les aficionados de films d’action. Le rythme, sans être lent, prend son temps et resserre son intrigue de manière étonnamment intimiste qui donne la part belle à ses personnages principaux. Les héros sont les Sully et pas question d’englober autant de personnages et de points de vues que dans le précédent film.
Prendre le temps d’admirer, laisser aux spectateurs l’espace nécessaire afin qu’ils s’attachent aux personnages et à cet univers foisonnant, voilà un sacré pari qui n’empêche jamais l’ensemble d’être
passionnant. Peut-être parce que l’écriture, simple en apparence, est d’une grande richesse thématique et charrie des émotions que le cinéma populaire s’interdit de ressentir depuis quelques années. Derrière ces facilités apparentes, Cameron reprend finalement les codes des plus grandes mythologies pour narrer une histoire ample, mais sans complexité. Tout converge vers une dernière heure magistrale dans laquelle le cinéaste rappelle qu’il a peu d’équivalent lorsqu’il s’agit de mettre en scène l’action. Là encore il ne renie jamais ce qu’il vient de mettre en place et nous offre un climax étonnamment intimiste qui contraste avec les grandes envolées tonitruantes du premier opus. Sans trop en dévoiler, les personnages règlent ici leurs comptes avec le passé et le présent afin de se construire un futur différent. C’est un moment charnière qui mène forcément à la tragédie et aux pleurs.
À la fin, difficile de ne pas être ébloui et ému par cette suite visionnaire qui ne se laisse jamais dépasser par son affolante maîtrise technique. L’envie de retourner sur Pandora est dominante, tandis que les éléments mis en place pour le futur de la saga augurent une nouvelle ère terriblement alléchante.
AVIS GLOBAL : Une suite spectaculaire et profondément immersive qui nous fait vivre une expérience indéniablement stupéfiante. James Cameron approfondit son univers avec de nouveaux personnages et opte pour un récit intime parfaitement émouvant. Du grand art.
NOTE :
AVATAR – LA VOIE DE L’EAU est actuellement disponible dans les salles de cinéma.
