Il était une fois en Amérique, un chant du cygne terrassant

La fin d’une trilogie sur l’Amérique de Sergio Leone. IL ETAIT UNE FOIS DANS L’OUEST précéda le sombre IL ETAIT UNE FOIS LA REVOLUTION qui précéda donc ce fameux IL ETAIT UNE FOIS EN AMERIQUE, grande désillusion de la vie, filmé par un être qui regarde dans le rétroviseur. Il n’aurait jamais pu faire ce film à 40 ans, disait le cinéaste. Probablement vrai.

Du grand art

Parallélisme, correspondances, tout est lié durant ces 3H41 de pure extase cinématographique. Tout est juste, tout est grandiose, les mouvements de caméra sont diablement beaux, maîtrisés à la perfection dans une scénographie qui donne le tournis. La première demi-heure, quasi muette, est une leçon de cinéma, de structuration de décor, de métaphores folles (les portes qui se ferment, s’ouvrent, le passé, le présent, la fin d’une vie). Et puis on embarque pour le road-trip américain, le mythe démystifié, la rudesse du décor alliée à l’épanouissement sexuel et sentimental d’un gosse, « Noodles », enfant sans parent (ou presque) dans la banlieue New-Yorkaise des années 20, celle des bandits et du quartier juif. Durant une heure, c’est sa rencontre avec Max, l’amitié violente de sa vie, et celle de son amour pour Deborah, la soeur d’un de ses potes, Moe, que Leone raconte avec une extraordinaire organisation temporelle. Et visuelle. Des regards, des illusions, la mort et l’amour mêlés, des gosses désirant une vie rêvée, voilés par les idéaux qu’ils rencontrent. Comment ne pas être terrassé par cette remarquable scène où le gamin mange le gâteau qu’il venait apporter à Peggy, une fille libre et sexuée ? Une représentation poignante d’une avancée trop primitive de la vie et une preuve des désillusions.

L’oeuvre ultime de Sergio Leone

Noodles et Max (Robert de Niro et James Woods), une relation qui traverse ces quatre heures de bobine mais qui, au final, est plutôt secondaire. Car comme tout grand film, le coeur de l’histoire c’est la relation amoureuse impossible entre Noodles et Deborah (Elizabeth McGovern). D’emblée, c’est voué à l’échec. Ils sont si

proches et pourtant si opposés, l’un rêvant de grandeur, l’autre d’une vie plus rangée. Malheureusement, lui ne peut pas l’obtenir, Max étant toujours dans les parages. Un trio qui se révèle fatal et un personnage qui vient régulièrement les interrompre. Jusque l’impensable, le malaise. Cette scène de viol qui modifie notre regard sur toute cette histoire et qui change drastiquement la deuxième partie du film. Notamment la séquence qui s’ensuit, formidable de suspense, de tension exacerbée.

On aura beau chercher un défaut mais c’est peine perdue. La perfection est partout, dans sa reconstitution dantesque, en passant par des acteurs exceptionnels (De Niro évidemment mais aussi James Wood, Joe Pesci) et un scénario pointilleux sur tout (Leone a passé quinze ans à l’écrire !). Et puis, plus qu’une histoire fantasmée, c’est celle de l’Amérique qu’il conte, celle des années 20, de la prohibition puis celle plus industrielle des années 60-70. Il montre les grévistes, les ouvriers, la corruption qui pourrit un système dans son ensemble et résonne avec une force démente aujourd’hui. IL ETAIT UNE FOIS EN AMERIQUE c’est juste la pensée d’un homme qui ne comprend pas sa vie, qui préfère s’évaporer grâce à de l’opium que de rester les pieds sur Terre. C’est juste un chant du cygne dévorant, élevé par Ennio Morricone et ses notes si gracieuses.

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