Aux Etats-Unis, on a utilisé USUAL SUSPECTS pour tester la perspicacité de certains inspecteurs. Une anecdote cocasse, mais qui témoigne de la force d’évocation du film réalisé par Bryan Singer. Un véritable chef-d’oeuvre qui continue toujours d’impressionner plus de 27 ans après sa sortie.
L’art du twist
C’est lors de la projection de son premier long-métrage, ENNEMI PUBLIC, que Singer met en place le puzzle mental que sera son projet. Kevin Spacey, impressionné par la maîtrise du jeune cinéaste, veut être dans son prochain film. Flatté, Singer lui souffle dans l’oreille qu’il est déjà en train de travailler dessus.

Le pitch est faussement simple. Suite à une mystérieuse dénonciation, cinq criminels se retrouvent en garde à vue. Ils sont ensuite engagés par un homme mystérieux, celui qui deviendra le fameux Keyser Söze. De ce postulat, Singer met en place un redoutable jeu du chat et de la souris qui aboutira à l’un des plus grands épilogues de l’Histoire du cinéma. Ce n’est pas tant la révélation en elle-même qui frappe, mais plutôt son développement. Toute l’intrigue mène vers ce moment fatidique. Elle embarque le spectateur vers des fausses pistes et le plonge dans la tête de cet homme sans qu’il ne le sache vraiment. Pourtant, aussi brillant soit-il, le scénario écrit par Christopher McQuarrie (désormais réalisateur attitré de la saga MISSION IMPOSSIBLE) eu beaucoup de mal à trouver preneur. Néanmoins, un budget de six millions est acquis grâce à l’engagement du producteur allemand Hans Brockman. Cet argent permet à Singer d’engager quelques acteurs, mais pas assez “bankable” aux yeux des grands studios.
L’art du montage
De grands têtes d’affiche refuseront le film, comme Robert de Niro, Al Pacino ou encore Christopher Walken. Bryan Singer ne s’en offusque pas, lui qui s’apprête à lancer une véritable bombe dans le milieu du 7eme art. Ce procédé du twist final va engranger un nombre incalculable de copies et lancer une vague de prodigieux films. La réussite de ceux-ci tiennent dans leur faculté à soigner le développement avant de penser à impressionner vainement le spectateur. Un twist mal amené, et c’est toute la pyramide

qui s’effondre. USUAL SUSPECTS impressionne toujours par la multiplication de ses points de vues et la pertinence des théories qui gravitent autour. Il ne fonctionne pas uniquement grâce à son final, mais par l’approche global du scénario et par la qualité indéniable de la mise en scène de Singer. Sans oublier le fabuleux montage qui nous perd volontairement afin de resserrer son emprise au fil des minutes.
Un impact durable
USUAL SUSPECTS est d’abord présenté dans les festivals où il commence déjà à faire du bruit et notamment à Cannes qui accueille la Première Mondiale. Les réactions furent tellement enthousiastes que les médias internationaux ont commencé à s’intéresser à ce “petit” film fait par un réalisateur quasi-inconnu. L’engouement est là lorsque USUAL SUSPECTS sort durant l’été 1995. Il connaîtra un beau succès en salles avec 51 millions de dollars de recettes mondiales. Aujourd’hui, on peut admettre sans sourciller que le long-métrage de Bryan Singer a changé la manière de raconter une histoire au cinéma tout en s’imposant comme l’une des oeuvres les plus brillantes des 90s.