La chair et le sang, l’Histoire selon Paul Verhoeven

De la même manière que LA CHAIR ET LE SANG se déroule à une époque charnière entre la fin du Moyen-Age et le début de la Renaissance, quelque part en Europe, ce film de Paul Verhoeven est le titre de la transition entre sa période hollandaise et le début de sa carrière aux Etats-Unis. Il s’agit en effet d’une production internationale en anglais montée avec des capitaux américains – la mini-major Orion Pictures finança le film – et tournée en Espagne.

Rutger Hauer face à Paul Verhoeven

En 1501, en Europe de l’Ouest, le seigneur Arnolfini (Fernando Hilbeck) utilise une bande de mercenaires dirigée par Martin (Rutger Hauer) pour reconquérir ses terres en leur promettant le droit de pillage. Une fois le château repris, Arnolfini trahit sa promesse en récupérant le butin et en chassant les pillards. Les mercenaires décident de se venger plus tard en attaquant le convoi d’Arnolfini, de son fils Steven (Tom Burlinson) et de sa promise, la belle Agnès (Jennifer Jason Leigh). Agnès se trouvant dans un chariot volé par les mercenaires, elle devient leur prisonnière, subissant le viol de leur chef, Martin. Ils prennent d’assaut un château et en font alors leur lieu de résidence. Passionné par cette période de l’Histoire, le scénariste Gerard Soeteman a longuement cultivé son scénario en lisant une pile impressionnante de documents anciens. Il s’inspire notamment de l’historien Johan Huizinga pour le contexte qu’il situe donc entre la fin du Moyen Age et le début de la Renaissance.

Le tournage de LA CHAIR ET LE SANG sera toutefois marqué par quelques incidents et consommera la rupture entre Verhoeven et son acteur fétiche Rutger Hauer, inquiet d’interpréter un mercenaire violeur et ripailleur à l’orée de sa nouvelle carrière à Hollywood. C’est son agent qui avait insisté pour qu’il accepte le rôle, certain que celui-ci serait en mesure de lui ouvrir de nouvelles portes. Hauer contestera régulièrement les décisions du cinéaste tout en montant les autres membres de l’équipe contre lui. Autre galère, c’est le premier film tourné en anglais par Verhoeven avec des prises de vues se déroulant en Espagne. Une situation qui n’aide pas pour bien communiquer…

Un film d’aventures historiques

Dans les marges de l’heroic fantasy mise au goût du jour trois ans plus tôt par CONAN LE BARBARE de John Milius avec Arnold Schwarzenegger, Verhoeven revisite un genre hollywoodien – le film d’aventures historiques – mais à sa manière, c’est-à-dire avec une vitalité, une crudité et un souci de réalisme

détonnant. On pourrait presque rapprocher le traitement de l’histoire avec un autre film d’une brutalité sèche, LA HORDE SAUVAGE. Quand je parle ici de réalisme, c’est moins dans sa description du Moyen-Age que l’évocation des horreurs de la guerre. Le film est également hanté par la question de la représentation de la vie, de la mort et de la religion. Dans son sens de l’action et de la démesure, ce cinéma renvoie à des cinéastes comme Sergio Leone ou Robert Aldrich dont Paul Verhoeven est le meilleur et le plus direct héritier.

Peu apprécié à sa sortie, LA CHAIR ET LE SANG a gagné son statut de chef-d’oeuvre au fil du temps. Paul Verhoeven réalise là l’un des ses plus grands films en offrant notamment un rôle en or à la jeune Jennifer Jason Leigh qui impressionne dans la peau d’Agnès. La photographie de Jan de Bont (futur réalisateur de SPEED) est sublime tandis que la partition tragique composée par Basil Poledouris s’avère fabuleuse.

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