Sur la route de Madison, le grand film d’amour d’Eastwood

Ce monument qu’est Clint Eastwood mériterait probablement des centaines d’articles sur son talent. Cette faculté qu’il a de raconter des histoires universelles, puissantes mais pourtant jamais comme les autres. Il se sert du classicisme pour mieux détourner l’attention. Il réussit à toucher la beauté des sentiments et de la vie tout en hissant ses intrigues vers des hauteurs de poésie. Et quand on pense qu’il revient au grand western en 1992 avec IMPITOYABLE, il puise à nouveau dans un genre bien définir pour aboutir à un chant du cygne poignant.

Alors que dire de ce bouleversant SUR LA ROUTE DE MADISON et de tout le scepticisme qui a dû l’accompagner à sa sortie. En effet, Clint Eastwood adapte ici un roman de gare (à comprendre sentimentaliste et mielleux) en un film de 2h10 avec Meryl Streep en rôle principal et lui-même dans celui du journaliste. Au final, il prouvera à tout le monde que même une histoire quelconque peut se transformer en grand chef d’oeuvre, lyrique et d’une puissance émotionnelle dévastatrice.

Synergie

SUR LA ROUTE DE MADISON commence par le récit de Carolyn et Michael Johnson. Ils reviennent sur les lieux de leur enfance, à Madison County pour régler la succession de leur mère, Francesca. Alors qu’ils sont outrés du fait que leur mère veuillent se faire incinérée (la famille est croyante), ils tombent sur un journal intime racontant l’histoire de leur mère avec Robert Kincaid, le fameux journaliste. Ils replongent alors durant ces quatre jours où eux-mêmes étaient absents, partis avec leur père à une fête foraine. Et là commence une histoire simple, dénuée de tout cynisme, à la grâce évidente.

On est alors en 1965, dans l’Iowa et cette bourgade bien pensante où rien ne doit dépasser. En cela, une femme doit être fidèle à son mari et rester à la maison. Francesca, en une scène habile, nous est montré comme lassée de cette vie d’enfermement entre des enfants qui ne lui parlent pas et un mari distant. Quand ils partent pour cette fameuse fête foraine, arrive alors ce journaliste qui va troubler Francesca et lui faire ressortir sa féminité et sa sensualité. Il y a ce plan, magnifique d’intimité, où Francesca se regarde, nue dans le miroir. Il y a aussi cette scène où Richard épluche une carotte à côté d’elle dans un mouvement érotico-sexuel évident. Ou encore cette danse, bouleversante où on ressent chaque souffle, chaque respiration saccadée. Tout est réalisé de manière à nous plonger dans cette cuisine (quasi-unique lieu du film) avec eux, avec leurs sentiments et leurs pulsions érotiques. SUR LA ROUTE DE MADISON parle d’un amour fort, que l’on n’oublie jamais vraiment.

La raison plus que le coeur

Il n’y a de toute manière aucun suspense. Nous savons dés le début qu’elle ne l’a pas choisi et qu’elle est restée avec son mari jusque la fin de sa vie. Mais elle a écouté la raison plus que son coeur. Cela nous est montré dans ce long plan de prés de quatre minutes, sans coupes, où Francesca explique à Robert la dualité de son esprit, son amour pour lui mais de l’autre côté la vie qu’elle a bâti avec son mari Richard. Eastwood nous interroge sur la notion de sentiments, de vie partagée. Elle aime Robert mais n’a pas vécu avec lui. Ce qu’elle connaît de lui, ce sont ces quatre jours et cette promesse de voyager à travers le monde. Car c’est ce qu’elle veut, Francesca est une aventurière malheureusement renfermée par son mari. En effet, on apprend au cours du récit qu’elle était professeure mais que son mari a préféré qu’elle arrête pour s’occuper du foyer. Il y a une évidente frustration chez cette femme qui n’est libre que durant ces quatre jours, dans les bras de Robert.

En tant que spectateur, on ne la culpabilise pas, sans excuser pour autant l’adultère. Mais il y a cette sensibilité qui parcourt toute la mise en scène du cinéaste. Cette façon de filmer la superbe Meryl Streep, incroyablement

bouleversante dans ce rôle, où il la frôle avec sa caméra, n’hésite pas à montrer ses courbes, sa beauté, son rayonnement. Et de finalement se retrouver en face d’une épineuse question à la fin : Qu’est-ce que l’amour ? Personne ne pourra jamais y répondre. La valse des sentiments et de l’attache, ce lien qui unit les êtres ne peut pas être quantifier. Il en ressort une logique implacable, celle des valeurs et de l’acceptation. Comme cette femme qui a également trompé son mari et qui est devenu la paria du village. Francesca va se lier d’amitié avec elle comme pour mieux revivre ces quatre jours qui resteront comme une parenthèse merveilleuse, semblable à un rêve. Celui qu’elle n’emprunte pas dans la plus belle séquence du film où, sous une pluie battante, Robert la regarde, attend et repart dans sa voiture. Un de ces moments sublimes où l’on ressent toute la puissance que le cinéma peut offrir.

Un duo admirable

Mais Robert n’est pas qu’un faire-valoir. Comme souvent avec lui, Clint Eastwood incarne ce vieux loup solitaire, fantasme mythique et figure archétype du cow-boy américain. Mais encore une fois, son apparente dureté laisse place à une sensibilité désarmante dévoilant au passage les sentiments d’un homme sans attache et particulièrement solitaire. L’acteur est une nouvelle fois d’une présence ahurissante à la limite de l’iconographie. Le duo qu’il forme avec Meryl Streep restera probablement comme l’un des plus grands couples de l’Histoire du cinéma.

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