Duel dans le Pacifique, Lee Marvin et Toshiro Mifune en guerriers ennemis

Le précédent film de John Boorman, LE POINT DE NON-RETOUR, a permis au cinéaste de nouer une belle relation avec l’acteur Lee Marvin. Ce dernier a défendu sa vision du film auprès des producteurs et l’a soutenu dans ses ambitions finales. Les deux hommes collaborent donc de nouveau avec le magnifique DUEL DANS LE PACIFIQUE qui prend à contre-pied tous les films du genre.

Une oeuvre minimaliste, mais percutante

Au cours de la Seconde Guerre mondiale dans l’océan Pacifique, un aviateur américain (Marvin) abattu

échoue sur une île. Cette île apparemment déserte est déjà occupée par un marin japonais (Toshiro Mifune). Chacun va essayer de prendre possession de l’île. Finalement, ils vont construire ensemble un radeau et rejoindre un camp en ruines. Mais des photos de soldats torturés et plus généralement leurs différences culturelles vont remettre en question leur coopération mutuelle. Avec un tel postulat, on imagine sans mal les producteurs gagnés par des sueurs froides. Loin des films guerriers impressionnants au gigantisme assumé, DUEL DANS LE PACIFIQUE ne met en scène que deux personnages avec une première partie presque entièrement muette ! L’idée de base de Boorman était d’ailleurs de tourner un film sans dialogue, mais sa volonté s’est tout de même heurtée à une certaine nécessité financière.

Grand admirateur de l’immense Toshiro Mifune, Lee Marvin fera des pieds et des mains pour l’engager. À l’époque, c’était une grande vedette, l’acteur japonais le plus connu au monde. Ses collaborations avec le réalisateur Akira Kurosawa ont fait de lui un comédien incontournable. Mifune accepte la proposition, et Shinobu Hashimoto, scénariste fidèle de Kurosawa, procède à quelques réécritures sur le script. Partageant uniquement l’affiche avec Marvin, l’acteur de RASHOMON s’inquiète toutefois de ses capacités à jouer en anglais puisqu’il ne connaît pas du tout la langue ! Son camarade à l’écran l’aidera tandis que Boorman le guidera par ses gestes et quelques indications visuelles.

Un duel sans héroïsme

Tourné durant quatre mois sur les îles Palaos, DUEL DANS LE PACIFIQUE possède déjà un certain cachet et une mise en avant massive de la part de la presse dont l’attention est portée sur les deux grands comédiens qui partagent l’affiche. À seulement 35 ans, Boorman se rend compte de la chance qu’il a de tourner avec eux même si ses relations avec les producteurs ne seront pas simples. Désireux de voir les deux hommes s’affronter à l’écran, ils veulent imposer un combat physique entre Mifune et Marvin. Le cinéaste plie, mais ne rompt pas et tournera à contre-coeur une séquence « mentale » dans laquelle les protagonistes voient leur mort. Une séquence qui servira à vendre le film car elle se trouvera dans la bande-annonce !

DUEL DANS LE PACIFIQUE devra toutefois attendre quelques années avant de faire son effet. Lors de sa sortie en décembre 1968, le public rejette le film à cause de ses parti-pris qui rebutent une grande partie des spectateurs. Les attentes étaient bien différentes et personne ne s’attendait à voir une oeuvre aussi critique et… silencieuse. La performance des deux acteurs fut saluée, mais ce ne sera pas suffisant pour éviter l’échec (d’autant que le budget fut assez conséquent). Qu’importe, le revoir aujourd’hui est une expérience totalement différente. Ce minimalisme sert parfaitement le propos de l’ensemble et sublime entièrement le duo Marvin – Mifune qui livre une parfaite prestation. Oeuvre antimilitariste et pamphlet contre la guerre, DUEL DANS LE PACIFIQUE parle, en creux, de l’actualité et de ce qui se déroule au Vietnam et se révèle en cela déjà visionnaire.

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