Le dernier duel, Ridley Scott à son meilleur

Au bout des deux heures trente de bobine, LE DERNIER DUEL s’achève dans un fracas étourdissant. C’est difficile de réagir, de parler, d’exprimer une opinion. Il faut se relever d’un uppercut délivré par un cinéaste toujours capable de nous pondre une oeuvre inouïe de puissance.

Une épopée dense

Scott a fait de l’épopée historique son atout. On pensait être en terrain connu, mais c’était mal connaître le cinéaste qui vient nous surprendre par le ton dramatique de l’ensemble. Malgré une production entrecoupée de plusieurs pauses à cause de la pandémie, LE DERNIER DUEL est une nouvelle fois la preuve qu’en terme d’organisation, Scott est un maître. Découpé en trois actes, le récit est une merveille d’écriture que l’on doit au duo Matt Damon-Ben Affleck qui s’est occupé du scénario, accompagné de Nicole Holofcener pour la touche féminine importante. On s’interesse alors, tout à tour, à Jean de Carouges (Matt Damon), Jacques le Gris (Adam Driver) et enfin Marguerite de Carrouges (Jodie Comer). Trois films en un où les scènes se rejouent différemment selon le point de vue. Un véritable tour de force que la caméra embrasse avec une passion dévorante.

Si LE DERNIER DUEL ne renie pas sa dimension spectaculaire, son véritable combat se situe à l’intérieur de ses personnages. Ils possèdent tous un lien entre eux, de l’amour à l’amitié, de la haine à la colère, de la jalousie à la vanité. Ce sont ces correspondances qui offrent une profondeur au film et apportent des nuances subtiles à chaque situation. Le rythme est saturé d’ellipses qui seront ensuite comblés par le point de vue suivant, faisant de ce DERNIER DUEL un labyrinthe émotionnel saisissant. La vérité doit-elle réellement éclater ? Mais qu’est-ce que la vérité sinon le sens qu’on veut bien lui donner ?

Une question de point de vue

Tout est subjectif et partial. On pense connaître un personnage, puis la suite nous donne tort selon une interprétation différente. Les acteurs sont tous fabuleux, épousant parfaitement les failles de leurs personnages pour les mener vers des sommets de

dramaturgie. Matt Damon y est excellent, Ben Affleck y est surprenant, mais Adam Driver et Jodie Comer crèvent littéralement l’écran. Le premier s’affirme de plus en plus comme un acteur incontournable tandis que la seconde est absolument époustouflante dans ce rôle d’épouse se battant contre une société étouffante et impitoyable avec les femmes.

La reconstitution est bien sûr somptueuse, comme souvent chez Ridley Scott. Même si la photographie grisâtre reprend la colorimétrie classique du genre, le film est visuellement impressionnant. Le duel en question est brutal, sans concession. Les scènes de batailles sont d’ailleurs à l’avenant, sans triomphalisme, ni héroïsme, mais dotées d’une violence abrupte. LE DERNIER DUEL s’achève en apothéose visuelle, thématique et émotionnelle. Scott vient bien de signer l’un de ses plus beaux films, adoubé massivement par la critique et le public… qui paradoxalement ne se déplacera pas beaucoup en salles avec des recettes plafonnant à 30 millions de dollars pour un budget maousse de 100 millions. Scott avait d’ailleurs affiché sa déception peu après la sortie du film. « Je suis triste. Il n’y a rien de tel que le succès pour se sentir bien le matin, n’est-ce pas ? Mais il faut aussi passer à autre chose. Si vous connaissez ce genre de déception, ne la laissez pas vous atteindre. Si vous aimez ce que vous avez fait, passez à autre chose.« . Voilà qui est dit.

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