The Killer, une histoire de références

La transmission, c’est aussi ça qui est beau dans l’art. Avant d’être une source d’influence pour le réalisateur Chad Stahelski sur JOHN WICK, THE KILLER fut lui même un hommage au cinéma de Jean-Pierre Melville et Martin Scorsese, deux cinéastes que John Woo admirait.

Melville comme modèle

THE KILLER raconte l’histoire du tueur à gages Jeff, joué par Chow Yun-fat, qui blesse accidentellement la chanteuse Jennie (Sally Yeh) aux yeux durant une fusillade. Il découvre plus tard que si Jennie ne subit pas

une opération coûteuse, elle deviendra aveugle. Pour obtenir l’argent nécessaire, il décide d’effectuer un dernier coup. Woo façonne son tueur comme le samouraï de Melville. Lors d’une interview, le cinéaste avait d’ailleurs souligné l’impact qu’avait eu le metteur en scène français sur ses propres réflexions. « J’ai toujours pensé avoir beaucoup de points communs avec Jean-Pierre Melville. C’est un tigre silencieux, un romantique désespéré. Pour lui, les idées de justice et d’amitié passent plus haut que tout le reste. Durant toute ma jeunesse, ses personnages m’ont aidé à traverser bien des épreuves. C’est un maître. »

Une sortie particulière

THE KILLER ne passe par aucun détour pour faire passer son message et délivre quelques séquences d’une grande brutalité. À tel point que sa violence a contraint la production à multiplier les montages selon les pays ! Résultat, le film est sorti en France en 1995, soit six ans après la fin de sa post-production. Il faut dire que le contexte de la sortie chinoise ne s’y prête guère : THE KILLER apparaît sur les écrans, un mois après le massacre de la place Tian’anmen à Pékin, répression sanglante aux manifestations d’une jeunesse qui aspire à la démocratie et rejette la corruption. Le style est âpre, énergique et fait ressortir toutes les intentions les plus extrêmes d’un cinéaste aux visions démentes. C’est du cinéma ultra-convulsif qui impose des effets extravagants et souvent euphorisants.

L’influence de The Killer

Alors que le genre perd de sa superbe aux Etats-Unis, John Woo vient dynamiter le polar. Suite aux succès des deux parties du SYNDICAT DU CRIME, le cinéaste possède une certaine liberté financière et en profite pour renouveler le film noir. Ironiquement, Martin Scorsese montrera toute son admiration devant la maestria de Woo tandis que Quentin Tarantino en fera un modèle assumé. L’oeuvre a marqué de par son ampleur et son étonnante beauté poétique voire crépusculaire. THE KILLER fut un tournant et n’a cessé de trotter dans la tête de divers cinéastes au fil des années. Aujourd’hui, Woo n’a peut-être plus la même aura, mais il ne faudrait pas oublier la carrière de ce réalisateur qui a su défier les règles de son art tout en y intégrant une profonde vision d’auteur.

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