Dressé pour tuer, l’histoire d’une adaptation malmenée

Tout part d’une action à priori banale. Alors qu’elle vivait à Hollywood avec son mari et auteur Romain Gary, l’actrice Jean Seberg, engagée dans la lutte pour les droits civiques, a ramené à son domicile un chien blanc trouvé dans la rue. De prime abord, l’animal semblait docile. Mais au fur et à mesure, ils ont découvert qu’il se montrait agressif envers les personnes Noires. Une rééducation a dû être nécessaire.

Un roman marquant

Intitulé CHIEN BLANC, le roman de Gary va marquer profondément les lecteurs. Un chien blanc est un chien élevé dans un des Etats du Sud et dressé à attaquer spécifiquement les Noirs. Par le biais de cette histoire en grande partie autobiographique, l’auteur dénonce le racisme et toutes les formes d’hypocrisie à une époque (la fin des 60s) cruciale pour les droits civiques des personnes de couleur aux Etats-Unis. Sans compter que la guerre du Vietnam sévit, ce qui inspire également Gary qui écrit alors de longs paragraphes remplis d’humanité, dénonçant au passage la betise humaine.

Un parfum de scandale

Publié en 1970, CHIEN BLANC deviendra DRESSÉ POUR TUER au cinéma avec une adaptation réalisée en 1982 par Samuel Fuller, homme de conviction qui a notamment mis en scène AU-DELA DE LA GLOIRE. Mais la dénonciation de cette histoire va prendre une drôle de tournure à l’écran. Le cinéaste reçoit la visite d’un porte parole de la NAACP (Association Nationale pour l’Avancement des Personnes de

Couleur) venu vérifier que « le film ne portait pas atteinte à l’image des Noirs ». La tension qui entoure le projet fait peur à la Paramount, certains évoquant l’aspect raciste de l’oeuvre (alors que celle-ci a des intentions totalement contraires). Personne n’a vu le film, mais un parfum de scandale commence déjà à flotter dans l’air.

Pour ne prendre aucun risque, le studio bloquera la sortie du film qui ne connaîtra alors qu’une distribution limitée aux USA… Et encore, celle-ci sera entachée par une promotion mensongère qui le vendait comme une série B horrifique. Alors que les années 80 libèrent la violence et le sadisme à l’écran, la façon dont a été traité DRESSÉ POUR TUER semble assez hypocrite. Le film de Fuller est un incroyable tour de force qui s’avère d’une redoutable efficacité. Sa pertinence politique n’a d’égale que ses visions d’horreur qui alternent entre sobriété et brutalité. Ennio Morricone livre une prestation sublime et vient apposer son talent mélodique aux images chocs révélées à l’écran. Aujourd’hui, de nombreux spectateurs redécouvrent cette histoire forte et celle-ci semble mieux comprise qu’à l’époque.

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