La horde sauvage, Sam Peckinpah filme la fin d’un monde

Après avoir passé plusieurs années à la télévision, Sam Peckinpah fait son entrée au cinéma en 1962 avec COUPS DE FEU DANS LA SIERRA, un succès qui lancera sa carrière sur le grand écran. S’il aura quelques grands films à son actif (dont LES CHIENS DE PAILLE ou LE GUET-APENS), LA HORDE SAUVAGE est considéré comme son chef-d’oeuvre.

Une personnalité difficile

En 1914, Pike Bishop (William Holden) et sa bande entrent dans San Rafael, une petite ville du Texas, déguisés en cavaliers de l’US Cavalry. Ensemble, ils se dirigent vers la gare pour y dérober la paie des employés du chemin de fer. Ils ignorent que Thornton (Robert Ryan), autrefois leur complice, aujourd’hui leur pire ennemi, les y attend, chargé par la direction des chemins de fer de leur tendre une embuscade. L’affaire tourne à la fusillade. Des dizaines d’innocents y laissent la vie. Pike, qui a perdu quelques hommes dans l’affaire, n’est pas satisfait. Il accepte l’offre d’un général mexicain, Mapache (Emilio Fernandez), qui lui demande d’attaquer un train rempli d’or et de munitions. LA HORDE SAUVAGE fut parfois mal interprété dans ses intentions, certains considérant même sa violence comme une sorte de fascisme déguisé ! Une charge injuste puisque le scénario parle avant tout de la fin d’un monde. Une histoire dure qui aurait du atterrir dans d’autres mains que celles de Peckinpah…

Lorsque ce projet est transmis à Kenneth Hyman, l’un des dirigeants de la WARNER BROS, celui-ci impose directement Sam Peckinpah à la réalisation. Un choix qui fait jaser tant son nom résonne encore avec la production chaotique de MAJOR DUNDEE, son précédent film, dont le tournage fut l’un des plus fous de l’Histoire. Entre dépassement de budget, libertés prises délibérément (le réalisateur est tombé amoureux d’une jeune mexicaine, partant carrément quelques jours avec elle !), prises de vues à rallonge et oppositions sur la nature même du projet, MAJOR DUNDEE a fait le tour d’Hollywood, faisant de Peckinpah l’homme à ne surtout pas engager. À tel point qu’il fut même remplacé à la réalisation du film LE KID DE CINCINNATI par Norman Jewison.

Une oeuvre pessimiste et immorale

Pourtant, Hyman lui fait confiance, et la production peut démarrer avec le choix crucial du casting. D’abord pressenti pour incarner Bishop, Lee Marvin sera contraint d’abandonner le projet pour tourner LA KERMESSE DE L’OUEST. La véritable raison est cependant tout autre : son agent lui aurait déconseillé de jouer dans un film aussi violent. Il est vrai que LA HORDE SAUVAGE ne s’embarrasse pas des conventions. Peckinpah s’empare d’un certain classicisme pour l’exploser en plein vol. En choisissant William Holden ( célèbre pour son rôle dans LE PONT DE LA RIVIERE KWAI) le cinéaste déjoue les attentes et s’apprête à confirmer ses parti-pris tumultueux. Sans véritables vedettes, la distribution comprend des habitués comme Ernest Borgnine (LES DOUZE SALOPARDS), Robert Ryan (LE JOUR LE PLUS LONG), Edmond O’Brien (L’HOMME QUI TUA LIBERTY VALANCE) ou encore Warren Oates (que le cinéaste a déjà dirigé dans COUPS DE FEU DANS LA SIERRA).

Là encore, il dépasse largement le budget initial et tourne des séquences entières non écrites. Cette

liberté de ton (que certains peuvent considérer comme de l’insolence) va permettre au film d’être une oeuvre magistrale qui frappe les esprits par sa réalisation visionnaire. LA HORDE SAUVAGE marque la fin d’une époque, celle de cette bande de bandits qui est condamné à périr dans ce nouveau monde. C’est une véritable tragédie qui se joue, mais déguisée en un grand spectacle ultra-violent qui renvoie directement aux horreurs de la terrible guerre du Vietnam. Complètement pessimiste et largement immoral, le scénario est bien éloigné des valeurs prônées par le western qui lui aussi est en fin de vie. Sa grandeur et sa conquête incessantes ne peuvent plus exister dans cette nouvelle décennie en approche.

Malmené par les médias (qui opéreront une campagne virulente), le film n’est pas un grand succès en salles, mais permettra tout de même au cinéaste de se relancer en enchaînant UN NOMMÉ CABLE HOGUE et LES CHIENS DE PAILLE.

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