First man, le décollage intimiste de Damien Chazelle

Après WHIPLASH et LA LA LAND, Damien Chazelle a placé la barre très haut. Deux films grandioses, portés par l’amour de la musique et des difficultés à accomplir ses rêves en se heurtant à la réalité. FIRST MAN prolonge ce thème, mais avec un certain désenchantement.

Des blessures intérieures

Derrière le moment historique, il y a la réalité. Qui était vraiment Neil Armstrong ? Une question à laquelle répond partiellement le cinéaste qui débute son film comme une note d’intention : une séquence

anxiogène et dangereuse, suivie d’un drame fondateur. Tout tient là, dans ce premier quart d’heure bouleversant. FIRST MAN se déroule ensuite comme un étalage des faits, toujours rattaché aux problèmes psychologiques d’Armstrong. On y voit un homme se confier peu, gardant toutes ses blessures à l’intérieur de lui. Les situations banales du quotidien sont les plus fortes puisqu’elles fissurent la carapace en distillant la force de conviction d’un homme complexe et peu à l’aise pour s’exprimer (y compris professionnellement, lors des conférences de presse ou dans des soirées conventionnelles). Ryan Gosling, tout en intériorité, impressionne.  

En parallèle, Chazelle développe l’incroyable combat de ces astronautes pour réaliser ce voyage sur la Lune. Un combat mortel où quelques-uns vont y laisser la vie. On s’interroge : pourquoi entreprendre une telle mission ? Les personnages se le demandent, mais ils la poursuivent malgré tout. C’est dans ce lien paradoxal entre rejet et fascination que le cinéaste construit son intrigue. Leur raison appelle à ne pas risquer autant pour si peu, mais leur ambition désire plus que tout s’envoler vers l’espace inconnu. Quitte à abandonner sa famille ? La séquence des adieux chez Amrstrong résume elle aussi la portée émotionnelle mais absurde d’une telle prise de risque.

Un film de passionné

FIRST MAN choisit donc un angle vraiment judicieux pour parler de l’un des plus grands événements du XXème siècle. Un hymne anti-patriotique, sans fanfare ni grande parade. Non, la fin est intime et renversante de simplicité. Damien Chazelle aime le sujet et s’est visiblement passionné pour toute cette histoire. Il ne parvient pas à éviter de grandes longueurs tout en devenant un

poil trop ésotérique par instant. Esthétiquement, il reprend le style quasi-documentaire de l’époque avec ce grain si particulier, qui enferme ses personnages dans des cadres très serrés. C’est également une bonne idée de placer la caméra dans le cockpit, au plus proche des astronautes, même si le procédé devient usant lorsqu’il s’étire (on pense notamment au décollage de GEMINI 8). 

Reste que le cinéaste a réussi une nouvelle fois son pari. Damien Chazelle est un artiste qui compte et il l’a une nouvelle fois prouvé cette année avec BABYLON.

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