L’Exorciste, le récit d’une production diabolique

La grande énergie qui anime William Friedkin tout au long du tournage de L’EXORCISTE est celle d’un metteur en scène soudain propulsé au sommet après des années de galère. La WARNER lui fait un chèque de 325 000 dollars et lui offre le final cut du film. Un film qui devait se tourner en cent jours et qui se terminera dans un laps de temps doublé…

L’adaptation d’un livre phénomène

Publié en 1971, le roman L’EXORCISTE est pour son auteur, William Peter Blatty, le fruit d’une obsession vieille de plus de vingt ans. Tout commence en 1949 alors que Blatty est étudiant en littérature étrangère et philosophique à l’université. À cette époque, il entend parler d’un cas de possession démoniaque frappant un garçon de 14 ans. Il ne s’agit que du troisième cas de possession reconnu par l’Eglise catholique en Amérique au XXème siècle. L’esprit de Blatty s’enflamme et il commence alors à écrire ses idées. Lors de sa publication, le roman rencontre un succès phénoménal. Dans un pays traumatisé par le Vietnam et les meurtres de la Manson Family, cette histoire qui mêle la peur irrationnelle et la paranoïa y trouve un grand écho. C’est à ce moment que le cinéaste William Friedkin va se pencher sur une adaptation, fasciné par les questions que le récit soulève. Pour écrire le script, il entame sa propre enquête.

La mise en images du récit de Blatty s’annonce casse-gueule. Le livre est rempli de morceaux de bravoure assez délirants qui nécessiteront forcément des effets spéciaux inédits. L’auteur n’est en rien rassuré par cette transposition. Il déclarera. « Ça a toutes les chances d’être un navet et de déclencher l’hilarité des spectateurs.« . Mais Friedkin n’est pas un réalisateur comme les autres. Il prend des décisions qui vont à l’encontre de ce qui a été fait auparavant. D’abord, il compose un casting atypique. Par exemple, pour le rôle de Karras, le studio lui soumet les noms de Gene Hackman, Al Pacino ou encore Roy Scheider. Le cinéaste décide d’engager Jason Miller, un auteur de théâtre totalement inconnu, mais qui a voulu devenir prêtre avant de douter de sa foi. Miller apporte énormément au personnage et deviendra l’une des figures incontournables du film. Quand à Regan, la petite fille possédée, c’est la pièce maîtresse du film. Plus de 1 000 jeunes filles à travers le pays sont auditionnées, mais aucune ne convient au cinéaste. Pus vient Linda Blair qui se présente seule avec sa mère à la production. Après un échange d’un naturel désarmant avec Friedkin, la jeune fille frappe dans l’oeil du réalisateur. Il dira. « Elle était intelligente, mais pas précoce. Mignonne mais pas belle. C’était une fille de douze ans, normale et heureuse. Je l’ai trouvée adore, irrésistible. ».

Un tournage maudit ?

Vient alors le moment du tournage, lieu de tous les fantasmes qui ont rendu L’EXORCISTE légendaire. Dès le début, naît ainsi la rumeur selon laquelle L’EXORCISTE est un film maudit, un projet brûlant qui aurait déclenché la colère de Satan lui-même ! Les catastrophes s’enchaînent comme cette nuit sur le plateau new-yorkais du film (où sont tournées toutes les scènes d’intérieurs, soit une bonne partie de l’intrigue) qui prend feu. Une enquête est alors ouverte, mais aucune explication n’est trouvée. Autre fait divers, le fils de Jason Miller est percuté par un motard alors qu’il se balade sur la plage, passant alors plusieurs

jours à l’hôpital entre la vie et la mort. Profitant de la situation (ce qui est un peu déplacé, reconnaissons-le), Friedkin tourne la scène où Karras, rongé par la culpabilité, se saoule après la mort de sa mère. Le jeu de l’acteur y sera plus vrai que nature. L’actrice Ellen Burstyn révélera également que d’autres drames ont touché l’équipe pendant le tournage : « Il y a eu la mort d’un veilleur de nuit, du bébé de l’assistant cameraman, le frère de Max Von Sydow… C’était un chiffre anormalement élevé.« .

À l’été 1973, Friedkin part en Irak tourner la longue exposition au cours de laquelle Merrin découvre une statue de Pazuzu lors de fouilles archéologiques. Là-bas, dans le nord du pays, il va sympathiser avec des adorateurs du Sheitan. Dans la tribu des Yézidis court en effet la rumeur selon laquelle des Américains sont venus ériger une statue à la gloire de Pazuzu et font des sacrifices à son honneur. Le cinéaste accepte avec joie l’invitation et part donc boire le thé au fin fond du désert ! Là encore, il repousse toutes les règles de sécurité établies à Hollywood. Le chef de cette tribu lui montra alors ses rites et lui confia sa croyance : celle d’un Dieu tout-puissant qui pardonne, mais que c’est le diable qui fait les règles sur terre. Et que c’est donc à lui qu’on doit le respect… À la fin de cet été, le tournage est enfin terminé et il ne reste que trois mois pour monter le film qui doit sortir en… décembre. Quatre monteurs vont alors travailler en parallèle pour respecter les délais.

Sorti le 26 décembre 1973 (et près d’un an plus tard en France, le 18 septembre 1974), L’EXORCISTE sera un immense succès avec 404, 2 millions de dollars rapportés (soit l’équivalent de 2,2 milliards aujourd’hui !) dans le monde tout en enregistrant 5,3 millions d’entrées en France, ce qui en fait toujours le plus grand succès de tous les temps au box-office pour un film d’horreur.

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