Babylon, retour sur une fin qui divise

Qu’on aime ou pas la proposition étourdissante et provocatrice de Damien Chazelle, on doit bien admettre qu’il est difficile de rester insensible devant BABYLON. De nombreuses séquences ont divisé les spectateurs (comme celle du serpent ou le fameux passage avec Tobey Maguire) à l’instar de cette fin qui s’avère prodigieuse pour certains… et complètement ratée pour d’autres.

Attention, cet article contient des spoilers sur BABYLON !

Dualité

Dans cette ultime séquence, Manny, le personnage incarné par Diego Calva revient à Hollywood après

deux décennies et regarde le film SINGIN’IN THE RAIN, une comédie musicale sur la transition d’Hollywood vers le son dans lequel BABYLON a puisé son inspiration. Manny est visiblement très ému et le montage final tente alors de transmettre ce sentiment au public avec sa collection d’images cinématographiques inspirantes. Dans un mouvement incongru et un peu dingue, Chazelle transcende le temps et l’espace avec quantités d’images de films marquants, passant de MATRIX à TERMINATOR jusqu’à AVATAR et UN CHIEN ANDALOU. Un instant qui projette le spectateur hors du film en lui rappelant justement qu’il ne voit là… qu’un film. Pourtant, à y regarder de plus près, Chazelle reste fidèle à sa vision avec cette ultime scène qui désire avant tout montrer que le cinéma parviendra sans cesse à se renouveler.

Au premier abord, les images contenues dans le montage final peuvent être considérées comme étant en contradiction avec une grande partie des autres thèmes et messages du film. BABYLON montre les côtés sombres de ce business impitoyable, notamment par le biais d’une scène mémorable de tournage où l’on voit toutes les difficultés techniques rencontrées lors du passage au parlant. Après une quantité vertigineuse de prises, un caméraman meurt d’un coup de chaleur, après avoir été placé dans une hotbox afin que le son de la caméra n’interfère pas avec le microphone. Un exemple pour souligner que ce système s’est aussi bâti sur de nombreux abus de la part des productions avant tout désireuses de gagner de l’argent. De plus, on y voit également ces nombreuses séquences de fêtes et d’humiliations qui représentent les aspects les moins reluisants du star-system.

D’un autre côté, il y a cette scène assez terrible où l’acteur de cinéma muet Jack Conrad (incarné par Brad Pitt) affronte la chroniqueuse Elinor St. John (Jean Smart) à propos de son article de couverture révélant son pouvoir de star en déclin. Elinor lui explique que même si Hollywood a évolué sans lui, l’image de Jack Conrad sera immortalisée à jamais à travers ses films. Le montage de fin explore cette thématique tout en soulignant que l’industrie cinématographique en laissera beaucoup d’autres derrière lui au profit des nouvelles stars et de la technologie, sans cesse renouvelées. 

Une provocation émotionnelle

La fin de BABYLON entre donc dans une forme de contradiction entre, d’une part, une certaine déshumanisation dans la façon de fabriquer ces images et, de l’autre, cette part de magie qui fait que le

cinéma se renouvelle constamment. Le cinéaste l’a conçue comme le reste de son film : il veut provoquer une réaction, une émotion, un sentiment (qu’ils soient négatifs ou positifs). Il y a un aspect frondeur derrière cette intention qui fascine ou rebute. Comme le système qui met en avant telle ou telle star avant de brutalement le rejeter pour en éclairer une autre. Aussi abrupte soit-elle, la fin du film puise dans cette énergie pour en tirer une célébration du 7ème art malgré tous les tourments qui le secouent (et qui nous sont grandement présentés dans BABYLON).

Certes, cette volonté expérimentale de flouter la frontière entre réel et fiction fut franchement contestée par une partie du public et de la critique. Il faut dire que Chazelle n’a eu peur de rien et s’est donc confronté à une réaction épidermique qu’il a un peu cherché. Quoi qu’il en soit, difficile de ne pas rester marqué par toute cette folie qui s’est emparée de l’écran durant plus de trois heures…

BABYLON est actuellement disponible dans les salles de cinéma.

Retrouvez ma critique du film ici.

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