Strange Days, Kathryn Bigelow face aux dérives de la société

Dans la carrière de la réalisatrice Kathryn Bigelow, STRANGE DAYS passerait presque inaperçu à côté de ses hits POINT BREAK, DEMINEURS ou ZERO DARK THIRTY. Pourtant, tout l’engagement politique et l’aspect brut de son cinéma y sont déjà bien présents.

Un script signé James Cameron

Quelques jours avant l’an 2000, à Los Angeles. La ville est devenu une zone violente et mal fréquentée, notamment après la mort du rappeur afro-américain Jeriko One. Lenny Nero (incarné par Ralph Fiennes) — ancien policier du LAPD — s’est reconverti en dealer de clips prohibés utilisant la technologie SQUID, initialement développée pour la police mais aujourd’hui sur le marché clandestin. Celle-ci est capable d’enregistrer les flux du cortex cérébral et de les restituer à l’identique via un casque. Lenny se repasse par exemple des images de son ex-petite-amie, Faith Justin (Juliette Lewis). Un jour, Lenny reçoit un blackjack, une vidéo montrant un crime, ce qu’il refuse toujours de vendre. Via cette vidéo anonyme, Lenny découvre en direct le viol et l’assassinat de son amie Iris.

Développé par James Cameron, le script de STRANGE DAYS bouscule par sa pertinence et son intelligence. Le réalisateur de TERMINATOR rédige le scénario en 1986, puis le laisse dormir durant quelques années, trop occupé sur d’autres projets. Il le proposera quelques années plus tard à son ex-femme, Kathryn Bigelow, qu’il vient d’aider pour la rédaction de son hit POINT BREAK. La version définitive prendra en compte l’actualité et notamment les événements concernant Rodney King avec les émeutes qui s’ensuivirent. La réalisatrice accentue la politisation de son oeuvre et cherche à en faire un film réaliste malgré certains éléments d’anticipation.

Un studio en panique

En pleine ascension depuis LA LISTE DE SCHINDLER, Ralph Fiennes interprète le rôle principal grâce à la conviction de Bigelow. Le studio (la 20th Century Fox) recherchait principalement une star et soumettra une liste assez longue à la réalisatrice : Arnold Schwarzenegger, Bruce Willis, Denzel Washington, Dennis Quaid, Nicolas Cage ou encore Tom Cruise. Il faut dire que les producteurs cherchent à se rassurer puisque le budget s’élève tout de même à 42 millions de dollars. En voyant l’aspect sombre et noir du long-métrage, ils comprennent qu’il sera compliqué de rentrer dans leurs frais, mais difficile de rechigner devant celle qui a leur fait gagner de l’argent avec POINT BREAK. D’autant que James Cameron veille au grain… et qu’ils connaîtront rapidement bien pire avec lui quand TITANIC se mettra en route avec une explosion de budget démente !

Malheureusement, STRANGE DAYS n’est probablement pas fait pour les 90s qui aiment découvrir de nouveaux univers de science-fiction ou s’émerveiller devant des effets spéciaux numériques qui permettent de détruire des villes entières. Mal vendu (la promo joue la carte d’un NEW-YORK 1997 bis bourré d’action), il ne rapporte que 7 millions de dollars de recettes. Les spectateurs boudent le film malgré des critiques assez positives. Cet échec fera mal à la réalisatrice qui mettra ensuite cinq ans avant de revenir derrière la caméra pour le fade LE POIDS DE L’EAU qui sera un nouveau flop. Aujourd’hui, STRANGE DAYS se revoit avec un regard différent et témoigne d’une idéologie particulièrement moderne qui s’insère bien mieux dans notre époque plus troublée. Comme quoi, il faut parfois du temps pour qu’une oeuvre fasse son chemin…

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