Le Mans, Steve McQueen au coeur de la course

Il y a cinquante trois ans sortait un film singulier qui résonne aujourd’hui comme un témoignage de l’époque, un instant pris sur le vif par un oeil de réalisateur embarqué dans la tourmente d’une des plus grandes courses du monde. 

Tout ce qui a pu rebuter le spectateur à l’époque frappe nos yeux d’aujourd’hui. Le réalisme du film tend largement l’ensemble dans un espace hybride, entre le documentaire et la fiction. Les courses sont vraies, les spectateurs ne sont pas des figurants et la minutie de chaque détail de la course est affolante. D’ailleurs, les vingt premières minutes ne possèdent pas de dialogues, mais révèlent, en creux, les thématiques du scénario. Ce regard perdu de Steve McQueen, voyant sur la route les drames de son passé, est une entrée en matière exceptionnelle. Le réalisateur Lee H.Katzin (qui a repris le projet après l’abandon de John Sturges) parvient à nous faire croire en ses personnages à l’aide de sa caméra, par la seule force de ses images. Pas de success story, de rédemption ou de feel good movie ici, juste un instant capté pour comprendre ce qui motive ces hommes dopés à l’adrénaline. Il y a d’ailleurs cette très belle scène où Lisa, incarnée par Elga Andersen, demande à Michael (McQueen) pourquoi il continue à risquer sa vie ainsi. Le regard profond et le visage endurci, il lui avoue que c’est justement une manière de vivre, sentir cet instant où il n’y a plus ni passé ni futur, mais seulement le présent. 

Un réalisme saisissant

C’est la mise en scène ici qui fait avancer le récit et non les mots. Le poids de la culpabilité pèse sur Michael qui se voit comme le responsable de la mort de son rival Piero Belgetti lors de la course précédente. Cette culpabilité, on ne la discernera jamais vraiment, mais elle plane sur ce personnage de manière aussi limpide que ses facultés de conducteur. Steve McQueen s’est énormément investi dans ce film et cela se ressent. D’ailleurs, il a toujours considéré LE MANS comme une pièce maîtresse de sa filmographie. C’est lui qui a imposé la temporalité du récit (à l’origine, celui-ci démarrait trois ou quatre jours avant) qui s’insère directement en pleine préparation de la course. C’est lui également qui a imposé cet aspect documentaire pour coller au plus près des voitures. Sur ce

point, il faut souligner que c’est la toute première fois que des caméras étaient ainsi placées, que ce soit à l’intérieur des voitures ou sur la route. McQueen désirait réellement piloter durant les 24 heures du Mans avec le célèbre pilote Joseph Siffert, mais les assurances lui refusèrent. Tête brûlée, le comédien parvint à louer le circuit du Mans durant trois mois avec des voitures de course ainsi que des pilotes et des mécaniciens. Sans sa doublure, il conduira lui-même pour compléter le montage de ces prises de vues additionnelles. 

Le film fut un lourd échec au box-office, les spectateurs étant désemparés par cet étrange mélange des genres. Ce n’est qu’avec les années que LE MANS fut réhabilité pour devenir aujourd’hui l’un des préférés des amateurs de courses automobiles. 

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