The Irishman, Martin Scorsese face à son propre mythe

Projet de tous les fantasmes, THE IRISHMAN se devait d’être le film de mafia ultime. En réunissant tous les plus grands acteurs du genre (et plus grands tout court) dans une oeuvre somme de plus de 3h30, le roi Martin Scorsese avait encore frappé. 

Inutile de revenir sur le débat Netflix/sortie cinéma même si on aurait bien sûr aimé voir le film

sur grand écran. Quoiqu’il en soit, l’expérience reste hautement recommandable voire immanquable pour tout amoureux de cinéma. THE IRISHMAN est un film complexe et décomplexé, jouant sur la temporalité ainsi que sur les propres projections de chaque spectateur sur sa mémoire cinéphile.  Voir Robert de Niro traverser le temps à l’aide de trucages numériques peut paraître aussi étrange (la réussite n’est pas totale) qu’emballant (comme cette séquence qui se déroule durant la guerre). Tous ces grands comédiens (à l’instar d’Al Pacino qui est en feu) offrent un dernier tour de force à un genre auquel ils ont tout donné.

Durant ces trois heures et demie, le long-métrage nous sert un long testament de la vie de gangster autant qu’une leçon d’histoire (et de corruption). Est-ce que tous ces événements se sont réellement déroulés ? Peu importe au final, Scorsese ne raconte pas la vérité (qui n’est qu’une question de point de vue), mais une histoire. Dans son style si reconnaissable, il projette ses effets avec son talent habituel : musiques, arrêts sur image, rythme trépidant, dialogues ciselés, les deux premières heures sont prodigieuses. La suite sera plus discutée, mais répond aux intentions du cinéaste.

Dans sa dernière demi-heure, la folie a soudainement disparu pour laisser place à un chemin de croix qui mène directement à la morgue. Les mafieux ont les cheveux blancs et le dos en vrac. Les bons mots se sont effacés pour laisser place aux regrets. La vie a quitté le cadre pour nous laisser avec ces hommes rongés par la vieillesse et la solitude (comme l’ultime scène entre Frank et sa fille).  

Plus de trois ans après sa sortie sur la plateforme, que reste-t-il de THE IRISHMAN ? Pour certains, Martin Scorsese a raté le coche, se perdant dans un dédale de détails tout en recyclant étrangement ce qui a fait sa gloire tandis que les effets de rajeunissement sont toujours restés en travers de la gorge de la majorité des spectateurs… Les statistiques connues nous montrent que beaucoup d’entre eux ne sont pas aller au bout de ce très long film. D’autres ont été désarçonnés par la lenteur du métrage. C’est sûr qu’on est loin de la virée de folie au coeur du système capitaliste dans LE DERNIER LOUP DE WALL STREET ! Seulement, son dernier film en date n’est pas à ranger dans la même catégorie. Il reflète surtout le cinéma plus posé et réfléchi que le réalisateur installe désormais. En 2016, SILENCE (avec Andrew Garfield et Liam Neeson) était dans la même veine, un lent chemin de croix d’une beauté crépusculaire. Son prochain long-métrage, KILLERS OF THE FLOWER MOON avec de Niro et DiCaprio, devrait se rapprocher d’eux. C’est à l’intérieur d’une nouvelle ère mélancolique que nous invite Scorsese qui sait que son oeuvre touche irrémédiablement à sa fin. Les déçus de THE IRISHMAN doivent-ils lui offrir une seconde chance ? Le revoir dans d’autres conditions avec un autre point de vue peut en effet être une expérience intéressante. À condition de rester tout au long des trois heures trente de bobine…

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