Aujourd’hui, un film comme DU SILENCE ET DES OMBRES résonne fortement. Adaptant là un roman écrit par Harper Lee, NE TIREZ PAS SUR L’OISEAU MOQUEUR, le cinéaste Robert Mulligan expose un long-métrage anti-rasciste dans une Amérique des 60s ségrégationniste.
Un roman imposant
L’histoire nous plonge en 1932, dans la petite ville de Maycomb en Alabama. Atticus Finch (interprété par Gregory Peck) avocat, veuf, élève ses deux enfants, Scout (Mary Badham), âgée de six ans, et
Jem (Phillip Aford), âgé de dix ans. Calpurnia (Estelle Evans), la gouvernante noire tient la maison. Le petit Dill Harris (John Megna), âgé de six ans, voisin de la famille Finch, est fasciné par les récits de Jem qui lui parle sans cesse de la « maison hantée » où habite leur mystérieux voisin Boo Radley (Robert Duvall). Un jour, Bob Ewell (James Anderson), un fermier ivrogne, accuse Tom Robinson (Brock Peters), un ouvrier noir d’avoir tenté d’abuser de sa fille, Mayella (Colin Wilcox). Atticus Finch va se charger de sa défense…
Sorti en 1960, le roman fait parler de lui même si la presse américaine est divisée. Néanmoins, en 1961, il reçoit le prix Pullitzer et attire les studios d’Hollywood qui, toutefois, sont réticents à miser un dollar sur une adaptation. Personne n’achète les droits du livre avant qu’un certain Alan J.Pakula ne se penche dessus. Le futur réalisateur de KLUTE et LES HOMMES DU PRESIDENT a démarré sa carrière en tant que producteur. Il achète alors les droits et confie la réalisation à Robert Mulligan. Les deux hommes se connaissent bien puisqu’ils ont travaillé tous deux sur leur premier film avec PRISONNIER DE LA PEUR, en 1957. Entre-temps, le livre cartonne et s’écoule à plus de 4 millions d’exemplaires. La pression est donc grande d’autant que le sujet de l’histoire est assez brûlant…
Gregory Peck au summum
L’intention première du producteur est de tourner l’œuvre de la romancière dans les décors naturels d’Alabama décrits dans son livre, mais Pakula doit se rendre à l’évidence : les petites villes américaines de 1962, avec leurs rues pavées, les antennes de télévision et les chaînes de magasin, ne ressemblent plus à celles des années 30. Le seul moyen de restituer fidèlement Maycomb telle que l’a imaginée Harper Lee (d’après Monroeville, la ville où elle a grandi, située entre Mobile et Montgomery), est de la construire dans les studios d’extérieurs d’Universal. Après le cadre, le choix du casting est primordial.
Le studio Universal, qui soutient Pakula, met deux acteurs en avant : James Stewart et Rock Hudson. Le premier refusera, trouvant le script trop libéral et craignant de participer à un film trop controversé. Le second ne recevra pas de proposition concrète car Mulligan et Pakula envoient le script à Gregory Peck qui accepte directement. Pour son rôle, il va rencontrer le véritable Amassa Lee, père de la romancière qui a inspirée cette dernière pour son livre. L’acteur lui emprunte une gestuelle et quelques tics pour se rapprocher au plus près de la réalité. À noter également que l’immense Robert Duvall trouve ici son premier rôle au cinéma en incarnant Boo Radley, n’apparaissant qu’une poignée de minutes à l’écran mais dont l’importance tout au long du récit est capitale.
Une oeuvre imparable
L’impact de DU SILENCE ET DES OMBRES fut considérable lors de sa sortie. Il remporta trois oscars parmi lesquels figurent le meilleur scénario adapté, la meilleure direction artistique celui du meilleur acteur pour Gregory Peck. Le livre est aujourd’hui un fondement de la littérature américaine qui s’est écoulé à plus de 40 millions d’exemplaires. Une étude menée en 1991 montre qu’après la Bible, c’est l’ouvrage le plus souvent cité comme ayant changé la vie de ses lecteurs ! Le film, quant à lui, est régulièrement cité parmi les réalisateurs contemporains comme « l’un des films américains les plus importants de l’Histoire » tandis que l’American Film Institute désigne Atticus Finch comme comme le plus grand héros de l’Histoire cinématographique américaine.
