Philadelphia, le film qui a bousculé les conventions

En soi, le film réalisé par Jonathan Demme possède une rigidité qu’il doit à son sujet et son contexte. Nous sommes en 1993 lorsque sort PHILADELPHIA et le thème de la séropositivité est un tabou majeur. Mettre en lumière ce qui est encore largement surnommé « la maladie des homosexuels » est un exercice d’équilibriste particulièrement complexe. 

Une histoire vraie

En 1987, la vie du dénommé Geoffrey Bowers, un avocat, bascule. Séropositif, il

est renvoyé du cabinet Baker & McKenzie. Un autre homme, Clarence B.Cain, habitant à Philadelphie, est également renvoyé de la HYATT LEGAL SERVICES, un grand cabinet. Un mix de ces deux histoires va largement inspirer le film. Notamment en ce qui concerne le titre, bien plus pertinent qu’on ne le pense. Cette ville, fondée en 1682 par William Penn, y applique les préceptes de gouvernement d’une société libérale idéale. En outre, elle possède des principes de tolérance qui contrastent donc avec cette intolérance évidente. Une dénonciation appuyée par la fabuleuse musique de Bruce Springsteen, STREETS OF PHILADELPHIA, qui remporta l’oscar de la meilleure chanson. 

Une fois la production lancée, celle-ci cherche l’acteur qui pourra incarner le dénommé Andrew Beckett, le personnage principal. Une liste prestigieuse est dressée : Daniel Day-Lewis, le favori, mais aussi Michael Keaton, Keanu Reeves, Bill Murray et Andy Garcia. Robin Williams est contacté, mais celui-ci préfère tourner dans MADAME DOUBTFIRE. Ce sera finalement Tom Hanks qui sera sélectionné. Un rôle très difficile qui est une véritable prise de risque à l’époque d’autant qu’une relation entre homosexuelle n’est pratiquement jamais mise à l’écran (encore moins dans une production américaine destinée aux salles de cinéma).

Un duo inoubliable

Si sa célébrité est naissante grâce à ses rôles dans BIG et TURNER ET HOOCH, elle n’est pas encore celle que l’on connaît aujourd’hui. En face, Denzel Washington incarne Joseph Miller, un avocat Noir un peu homophobe qui refuse d’abord de défendre Beckett. L’acteur est désormais entré dans le gratin d’Hollywood en remportant l’Oscar du meilleur second rôle dans GLORY. Il vient d’enchaîner MO’BETTER BLUES et MALCOLM X de Spike Lee puis L’AFFAIRE PELICAN avec Julia Roberts. Sa dynamique est ascendante. Accepter le rôle de Miller est aussi une prise de risque. La subtilité dont il devra faire preuve ne pouvant pas être assuré par n’importe quel comédien…

Même si PHILADELPHIA a bousculé les conventions, de nombreuses scènes

furent coupées au montage, notamment celles montrant Beckett et Miguel (incarné par Antonio Banderas) dans leur intimité. Il est encore difficile à l’époque de mettre en évidence une telle relation. Néanmoins, le choc est bien prégnant chez les spectateurs et un autre regard est tourné vers la maladie ainsi que l’homosexualité. Deux si grands acteurs réunis à l’affiche ont attiré de nombreuses personnes qui ne seraient pas venus sans leur présence. C’est ici que se situe la vérité des stars, celles qui sont capables d’impacter considérablement leur auditoire.

Comme Dustin Hoffman et Tom Cruise l’avaient fait quelques années plus tôt avec RAIN MAN, Hanks et Washington ont permis une avancée sociale indéniable. Et, pour le premier, ce fut une prise de risque bien sentie : il remporta là son premier oscar de meilleur acteur. Le film rapporta 206,6 millions de dollars de recettes mondiales. En France, 2 741 445 entrées furent enregistrées. Un grand succès qui ne s’est jamais démenti au fil des années.​

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