Amistad, Spielberg face au sujet délicat de l’esclavagisme

Juste après sa respiration divertissante sur LE MONDE PERDU, Spielberg reprend son sérieux avec AMISTAD, un film dur sur l’esclavagisme qui va le plonger en grande difficulté sur un sujet très délicat.

« Dans mon coeur, ce film se situe juste à côté de LA COULEUR POURPRE« . Ces mots proviennent d’une déclaration de Spielberg lui-même. AMISTAD soulève, explicitement, le sort des esclaves, mais également le problème de l’incommunicabilité entre Blancs et Noirs qui en l’occurence ne partagent pas

le même langage, mais parce que ce film plonge ses racines dans l’enfance de Spielberg. En effet, lors de sa jeunesse, le cinéaste souffrit beaucoup de l’antisémitisme et du racisme ambiants. Les Juifs et les Noirs étaient trop nombreux dans les divers endroits où sa famille posa ses valises pour que leur présence ne devienne un problème majeur. Mais il y avait beaucoup d’Indiens dans son école, et il se rendit vite compte du caractère extrêmement pénible des préjugés raciaux qui pesaient sur eux.

Le film s’inspire de faits réels. En 1839, les esclaves africains transportés par un navire espagnol, l’Amistad, qui fait voile vers Cuba, se révoltent à l’instigation de l’un d’entre eux, Cinqué (Djimon Hounsou), et massacrent l’équipage. Il s’emparent du vaisseau et ordonnent aux deux marins survivants de retourner vers l’Afrique. Cependant, profitant de leur ignorance, leurs otages mettent le cap sur l’Amérique, où les mutinés retombent en captivité et sont inculpés de meurtre. S’ensuit un long combat juridique visant à déterminer quelles lois doivent décider de leur sort. Les esclaves sont alors défendus par des abolitionnistes qui portent leur cause jusqu’à la Cour suprême, où John Quincy Adams (incarné par Anthony Hopkins), ancien président des Etats-Unis qui sort de sa feinte sénilité pour se livrer à une plaidoirie bouleversante en faveur de leur inaliénable droit à la liberté.

Sombre, statique et bavard, AMISTAD n’en demeure pas moins d’une force thématique imparable. Porté par un superbe casting (Morgan Freeman, Matthew McConaughey, Djimon Hounsou, Anthony Hopkins), le film est dirigé par une belle élégance (l’éclairage est absolument sublime) et s’accompagne de la réaffirmation du grand thème spielbergien sur la communication entre tous : nous devons apprendre à dire ce que nous pensons avec éloquence et précision, faute de quoi la démocratie est condamnée. Et avec elle tout espoir d’aborder un jour de façon rationnelle de nombreux autres sujets. La noirceur de l’Histoire et son dénouement amer en font l’un des films les plus douloureux de la carrière du cinéaste. Pourtant, vingt-quatre ans après sa sortie, AMISTAD reste un peu oublié dans sa filmographie. Sans compter qu’il reste l’un des plus gros échecs de sa carrière en salles.

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