Le cas Richard Jewell, Clint Eastwood et l’injustice

Débiteur de films à un rythme endiablé, Clint Eastwood, 92 ans, continue de tracer une filmographie des plus exceptionnelles. En 2020, il met en scène cette histoire incroyable mais plutôt méconnue en France : celle de Richard Jewell, agent de sécurité lors des Jeux Olympiques d’Atlanta en 1996, qui sauva des milliers de personnes en alertant les autorités de la présence d’un sac suspect. De héros, il va vite devenir le coupable idéal…

En une poignée de séquences merveilleuses, le cinéaste prouve une nouvelle fois la capacité de son cinéma à embrasser le classicisme pour atteindre un niveau émotionnel universel. A ce titre, l’identification à Richard Jewell (formidable Paul Walter Hauser) se fait avec une facilité déconcertante où son sens de l’observation et de l’empathie sont directement mis en avant. Dès lors, Eastwood déroule son montage à l’instar d’une machine devenue incontrôlable. Le spectateur est pris en étau, comme le protagoniste, par un emballement médiatique et politique honteux. 

Faisant rapidement grimper la tension, le film ne se perd jamais en longueur et parvient à prendre son temps tout en considérant que la vie s’accélère pour son héros. Le regard de ce dernier, perdu face à tant d’injustice, crève littéralement l’écran si bien que l’on ressent une émotion diffuse qui serre la gorge. Son auteur continue son dépoussiérage du mythe américain et creuse un peu plus son paradoxe : qui est Eastwood ? Cette légende patriotique ou celle qui préfère se servir du système pour dérouler sa pensée ?  PUBLICITÉ

Toujours est-il qu’après son formidable LA MULE, il n’est pas encore prêt de raccrocher. Il parvient toujours à rendre ses récit vivants et donne des leçons de simplicité à de nombreux cinéastes voulant avant tout prouver qu’ils savent filmer. Peu de grandeur dans LE CAS RICHARD JEWELL (on retiendra tout de même la formidable séquence de l’attentat, minutieuse et tendue), mais une force cinématographique absolue qui doit autant à la force de sa narration, qu’aux propos exposés et aux acteurs tous excellents (dont un Sam Rockwell une nouvelle fois impeccable dans la peau d’un avocat percutant). Sublime.

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