Apocalypto, le film dément et démesuré de Mel Gibson

II aura fallu attendre neuf ans entre BRAVEHEART et LA PASSION DU CHRIST pour que Mel Gibson se décide à repasser derrière la caméra. Suite au carton de son dernier opus, il peut rapidement mettre en production l’un de ses projets les plus fous : APOCALYPTO.

Un projet fou

On plonge ici dans les temps turbulents précédant la chute de la légendaire civilisation Maya. Jeune père porteur de grandes espérances, chef de son petit village, Patte de Jaguar (Rudy Youngblood) vit une existence idyllique brusquement perturbée par une violente invasion. Capturé et emmené lors d’un périlleux voyage à travers la jungle pour être offert en sacrifice aux Dieux de la Cité Maya, il découvre un monde régi par la peur et l’oppression, dans lequel une fin déchirante l’attend inéluctablement.

Parler de ce film, c’est parler d’une oeuvre à la richesse incommensurable qui prend aux tripes et laisse littéralement sans voix. Après LA PASSION DU CHRIST et l’utilisation de la langue araméenne, Gibson s’autorise ici une autre gageure, celle d’écrire et d’interpréter l’ensemble des dialogues du film dans un dialecte maya nommé le Yucatèque. Le casting, non professionnel, s’est alors retrouvé avec des lecteurs MP3 afin de mieux cerner les subtilités de la langue avec les prononciations et intonations adéquates. Les acteurs engagés ont un boulot monstre à abattre, la plupart n’ayant jamais participé à un tournage de leur vie. En plus de devoir correctement parler la langue, ils étaient obligés de parler avec de fausses dents et donc de s’immerger totalement dans une culture et un univers différent.

Un style à imposer

D’ailleurs, pour recréer cette civilisation à l’écran, Gibson fait appel au chef décorateur Tom Sanders. Un artiste qu’il connaît bien puisque les deux hommes avaient déjà collaboré sur BRAVEHEART. Le défi est de taille sur APOCALYPTO puisque Sanders devra en partie concevoir par lui-même le village de Patte de Jaguar, la faute à un manque de données historiques concernant le mode de vie des villages pauvres des mayas. Sa reconstitution va impressionner les spécialistes de la culture mayas qui auront l’impression de

replonger dans une civilisation qui les fascine. À l’écran, ce monstrueux travail se ressent à chaque instant tout comme la perfection visuelle du chef op, Dean Semler. L’expérience de ce dernier (il a notamment travaillé sur DANSE AVEC LES LOUPS et LAST ACTION HERO) lui permet de réaliser quelques expérimentations démentes en utilisant notamment le procédé haute définition de la Camera Genisis afin de donner une plus grande ampleur visuelle à l’ensemble. Toute nouvelle à l’époque, cette densité a offert à APOCALYPTO une imagerie inédite à la démesure impressionnante. Semler déclarera à l’époque. « Cet équipement a donné des résultats extraordinaires dans les scènes de poursuite en nous permettant d’obtenir des images que nous n’aurions pas pu capter avec d’autres caméras. Tout est là, on s’y sent réellement« . De plus, l’équipement résistait à la turbulente météo, ce qui n’est pas du luxe lorsqu’on tourne en pleine jungle…

Le début de la fin

Allégorie d’une civilisation en déclin, chasse à l’homme extraordinaire d’intensité, l’énergie visuelle comme moteur du récit… APOCALYPTO a tout pour secouer la planète cinéma lors de sa sortie dans les salles. Les critiques sont fortement divisées, certaines reprochant au film d’être trop violent tout en flirtant constamment avec l’exercice de style qui empêche de s’émouvoir pour le sort de ses personnages. D’autres louent le spectacle ahurissant de Gibson qui évite ici les lourdeurs thématiques de LA PASSION DU CHRIST. Raconter cette histoire par l’image, c’était toute l’ambition du réalisateur qui déclara à l’époque de la sortie. « Mon désir était de tourner un film d’action et d’aventure trépidant qui ne laisse aucun répit. Je cherchais à concevoir un moyen de raconter l’essentiel de l’histoire visuellement, pour toucher les spectateurs au plus profond d’eux-mêmes, viscéralement et émotionnellement « . Produit pour 40 millions de dollars, le long-métrage sera un succès raisonnable, rapportant plus de 120 millions de billets verts. La suite sera beaucoup moins belle pour Gibson qui subira de nombreuses controverses, celui-ci s’éloignant alors des plateaux de cinéma durant quelques années. Il faudra une nouvelle fois patienter neuf ans pour que le cinéaste nous offre un nouveau morceau de bravoure : TU NE TUERAS POINT.

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