Les Moissons du Ciel, le film grandiose de Terrence Malick

Cinq ans après LA BALADE SAUVAGE, le réalisateur Terrence Malick allait marquer son art avec LES MOISSONS DU CIEL, un chef-d’oeuvre terrassant. Peut-être même son meilleur film, son plus grandiose, son plus abouti. C’est l’oeuvre d’un résilient, d’un homme qui n’a pas peur de prendre le pouvoir pour mettre en scène le film dont il a envie.

En 1916, Bill (Richard Gere), ouvrier dans une fonderie, sa petite amie Abby (Brooke Adams) et sa sœur Linda (Linda Manz) quittent Chicago pour faire les moissons au Texas. Voyant là l’opportunité de sortir de la misère, Bill pousse Abby à céder aux avances d’un riche fermier, qu’ils savent atteint d’une maladie incurable… LES MOISSONS DU CIEL narre la tragédie d’un triangle amoureux, observée par une adolescente narratrice (l’éternelle voix du cinéma de Malick). L’immensité du Texas est filmée d’une main de maître par le cinéaste qui parvient, avec l’aide de son directeur photo Nestor Almendros, à témoigner d’une époque antérieure avec un brio effarant.

Malick a fait son film, retranscrivant les vues de son esprit avec une liberté détonnante. Ce n’est que son deuxième long-métrage, mais il exigera de son producteur Bert Schneider qu’il le soutienne et qu’il lui laisse le tant désiré final cut. Ce dernier parvient à réunir les fonds nécessaire auprès de la PARAMOUNT PICTURES, mais un dépassement de budget d’un million de dollars va le contraindre à mettre sa maison en hypothèque pour aller au bout du projet ! Il faut dire que le tournage est compliqué, perturbé par les

envies incontrôlables du cinéaste. Après deux semaines de tournage, il fut très déçu par les rushes et décida de changer de virage, prenant le film par un autre bout expliquant brièvement à Schneider qu’il voulait se rapprocher d’un style à la Dostoievski. Richard Gere, 29 ans, obtient ici son premier grand rôle au cinéma. Et il s’en souviendra. Horripilé par le style de Malick qu’il juge « froid et distant », il pense plusieurs fois à quitter le film, doutant du caractère changeant du cinéaste. Incapable de comprendre ce que veut ce dernier, il s’agace quotidiennement du manque de direction et de dialogue.

Métaphore d’un paradis perdu, LES MOISSONS DU CIEL sera pourtant un film fabuleux conçu comme un récit visuel grandiose, accordant à l’image une valeur picturale. Il est aussi porté par une partition envoûtante dans laquelle Ennio Morricone use de tout son talent pour nous plonger dans un monde déchu. Les difficultés accumulées sur ce tournage auront raison du cinéaste qui mettra vingt ans à revenir avec un autre film exceptionnel : LA LIGNE ROUGE.

Laisser un commentaire