La Rumeur, Audrey Hepburn et Shirley MacLaine dans la tourmente

Ultime fois en Noir et Blanc d’Audrey Hepburn, LA RUMEUR est une oeuvre particulièrement pertinente qui nous montre, en creux, les ravages que peuvent faire un mensonge sur la vie des gens.

Dans une petite ville de province, deux amies Karen Wright (Audrey Hepburn) et Martha Dobie (Shirley MacLaine) dirigent une institution pour jeunes filles, aidées par Lily (Miriam Hopkins), la tante de Martha, une ancienne actrice excentrique. Fiancée au médecin Joe Cardin (James Garner), Karen a du mal à s’engager et à laisser à Martha la direction de l’école. Mary (Karen Balkin), une élève insolente et menteuse, alors qu’elle a été punie, lance la rumeur que les deux professeurs ont une relation « contre-nature ». Elle commence par le raconter à sa grand-mère…

Une nouvelle adaptation

Pour retourner à la base de cette histoire, il faut remonter le temps jusqu’en 1809 lorsqu’un fait divers défraya la chronique en Ecosse : deux enseignantes suspectées d’entretenir une liaison homosexuelle virent leurs carrières et leurs vies brisées. Une pièce de théâtre fut écrite et montée en 1934 par Lilian Hellman avec succès. En 1936, William Wyler réalise une première adaptation cinématographique intitulée ILS ETAIENT TROIS, mais l’histoire change considérablement à cause de la censure qui sévit à cette époque. En 1961 est donc lancé un autre film intitulé LA RUMEUR réunissant devant la caméra la star Audrey Hepburn et Shirley MacLaine. Vingt-cinq ans après la précédente version, le monde change (lentement), mais les moeurs restent tout de même ancrées. Difficile en effet de réellement montrer une relation homosexuelle entre deux femmes à l’écran… Ce que MacLaine écrira dans ses mémoires. « William (Wyler) fut pris de panique à l’idée d’avoir à traiter une histoire de lesbiennes. Il coupa les scènes où l’on sentait l’amour de Martha pour Karen, par exemple quand elle repassait amoureusement ses vêtements, lui brossait les cheveux ou lui confectionnait des petits plats.« . Une réserve légitime dans le monde d’il y a 60 ans.

L’histoire d’un tabou

William Wyler ne développe pas tant le thème de l’homophobie que celui du mensonge et de son pouvoir destructeur. Derrière le masque sociétal, il y a cette violence qui imprègne la population, celle-ci étant soudainement prête à lyncher ces deux femmes. Le message d’intolérance est celui qui ressort

prioritairement alors que sur le plateau de tournage, tout le monde évite soigneusement d’aborder l’un des sujets forts du film : l’homosexualité. Ce sujet n’est pas débattu à l’époque et reste tabou, si bien que les deux actrices principales ne l’ont jamais évoqué ensemble. « Aucun de nous n’en était vraiment conscient » écrit MacLaine. « Nous étions dans un état d’esprit où nous ne savions pas réellement ce que nous faisions. ». Qu’importe dans quel sens nous prenons le film, l’essentiel est que celui-ci parvient à ouvrir la discussion. En 2022, LA RUMEUR est toujours aussi pertinent. Cette rumeur qui se répand pourrait très bien associée à l’aspect destructeur des réseaux sociaux où le moindre mensonge peut prendre une ampleur démesurée. Tandis que l’homosexualité reste encore et toujours un tabou pour une partie de la population.

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