Scum, le film choc d’Alan Clarke

Alan Clarke est un réalisateur un peu particulier. Travaillant régulièrement à la télévision pour la BBC, il fut pourtant considéré comme un réalisateur très « cinématographique », dont les mises en scènes élaborées tranchaient radicalement avec ce qui était présenté à cette époque (60s – 70s). SCUM est donc son premier film pour le cinéma. Sauf que sa sortie dans les salles est… accidentelle.

En effet, SCUM fut réalisée pour être diffusée à la télévision. C’était en 1977, mais sa trop grande violence fut rejetée par la BBC qui interdira sa retransmission. Déterminé, Alan Clarke retournera la même histoire avec la même équipe deux ans plus tard pour un film de cinéma ! Un fait rare, mais qui témoigne de la portée impressionnante de ce choc filmique. Nous sommes en Angleterre, durant les années 1970. Trois jeunes, Carlin (Ray Winstone), Davis (Julian Firth) et Archer (Mick Ford) arrivent dans un borstal, un centre de détention pour mineurs. Ils ont peur. Ils ont raison, car ils vont connaître l’enfer. Dans le centre, c’est la loi du plus fort, la loi du plus méchant, le règne de la terreur et de l’humiliation. Pris dans l’engrenage infernal d’un système sans issue, Carlin, Davis et Angel n’ont plus qu’un but : survivre.

Un film sous forme de réédition améliorée

Même si le réalisateur a repris les même repères techniques pour la version cinéma, il profita de cette nouvelle expérience pour améliorer certains éléments comme la lumière, la photographie générale et, surtout, la direction d’acteurs. Ces derniers, ayant déjà incarnés leurs personnages, peuvent les exploiter davantage et avec plus de précision. C’est aussi, plus globalement, l’oeuvre d’un homme au caractère bien trempé qui, porté par sa fabuleuse détermination, a décidé d’exposer coûte que coûte son histoire. Trop longtemps méconnu dans nos contrées (et certainement pas encore assez reconnu), SCUM est un film stupéfiant et pétrifiant qui s’inscrit dans la tradition du film de prison et de délinquance juvénile tout en déjouant constamment les stéréotypes inhérents au genre. Il y a une forme de tragique pessimisme dans ce récit qui laisse peu de place à l’espoir ou la lumière.

SCUM est un véritable cri de colère contre le système pénitencier, de sa direction aux plus hauts dirigeants, dans lequel les adolescents sont traités de manière inhumaine. Tout est mis en place pour

briser ces jeunes qui se retrouvent alors sans échappatoire. Visuellement, cette violence est représentée de manière parfois insoutenable et a pour but de lutter frontalement contre le gouvernement britannique de l’époque. Avec ses longs plans séquences et ses mouvements de caméra impressionnants, SCUM se réfère presque au cinéma d’horreur à certains moments, nous laissant vidés lorsque un brusque accès de brutalité jaillit sans prévenir. Servi par un casting impressionnant (les jeunes acteurs sont exceptionnels), le long-métrage reste longtemps gravé dans les mémoires. De manière incompréhensible, Alan Clarke ne connaître jamais de grande carrière au cinéma, ne réalisant que trois films (dont SCUM). Il reste toutefois de nombreux téléfilms marquants comme l’impressionnant MADE IN BRITAIN (avec Tim Roth en Skinhead) ou THE FIRM (avec Gary Oldman).

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