Johnny s’en va-t-en guerre, l’unique film déchirant de Dalton Trumbo

Dalton Trumbo fut un célèbre scénariste d’Hollywood, tant par ses écrits que pour être l’un des « dix d’Hollywood », surnoms donnés aux auteurs qui furent victimes du mccarthysme. Trumbo fut contraint après un séjour en prison de travailler plus de dix ans sous pseudonyme à Hollywood avant de pouvoir retrouver son vrai nom au générique d’un film (pour EXODUS d’Otto Preminger).

Un projet personnel

En 1971, il réalise son premier et unique film, intitulé JOHNNY S’EN VA-T-EN GUERRE. Adapté de son propre roman éponyme publié en 1939, on y suit Joe Bonham (incarné par Timothy Bottoms), un jeune Américain plein d’enthousiasme. Il décide de s’engager pour aller combattre sur le front pendant la Première Guerre mondiale. Au cours d’une mission de reconnaissance, il est grièvement blessé par un obus et perd la parole, la vue, l’ouïe et l’odorat. On lui ampute ensuite les quatre membres alors qu’on croit qu’il n’est plus conscient. Allongé sur son lit d’hôpital, il se remémore son passé et essaie de deviner le monde qui l’entoure à l’aide de la seule possibilité qui lui reste : la sensibilité de sa peau.

Au départ du projet, Trumbo a dans l’idée de confier la réalisation à l’un de ses amis cinéastes, Luis Bunuel, mais ce dernier insiste pour que l’auteur mette lui même en scène cette histoire qui lui appartient. Une tâche dont il s’acquittera avec brio par le biais d’une mise en scène terrassante et d’un jeune acteur qui trouvera là l’un de ses plus beaux rôles : Timothy Bottons, vingt ans à l’époque, héritant

d’un rôle délicat mais à la profondeur sublime. Trumbo signe un pamphlet antimilitariste et pacifiste – mais aussi un plaidoyer pour la mort assistée – rendu bouleversant par le sort atroce de son personnage principal, que le spectateur accompagne dans son calvaire grâce à une voix-off. La réalisation de Trumbo alterne entre le noir et blanc et la couleur, entre les multiples souvenirs et voyages mentaux de son protagoniste, dont une rencontre avec le Christ, interprété par Donald Sutherland !

En écho au Vietnam

L’impact de JOHNNY S’EN VA-T-EN GUERRE fut conséquent puisque sa sortie a coïncidé avec la Guerre du Vietnam. Son propos antimilitariste fut particulièrement éloquent et le film remporta le Prix de la critique internationale et le Grand Prix du Jury lors du festival de Cannes en 1971. Cette façon de montrer l’absurdité de la guerre trouva un certain écho auprès des opposants au conflit du Vietnam et on ne peut s’empêcher de penser que, cinquante ans plus tard, ce propos est toujours aussi juste…

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