Le reptile, le western subversif de Joseph L.Mankiewicz

Avant-dernier film de la carrière du cinéaste Joseph L.Mankiewicz, LE REPTILE réunit les immenses Kirk Douglas et Henry Fonda pour un drôle de western qui subvertit les codes du genre.

On suit ici Paris Pitman Jr. (Douglas) un bandit qui vole 500 000 dollars à un riche propriétaire et les cache dans une fosse de serpents à sonnettes. Il est arrêté et emprisonné dans une forteresse en plein désert de l’Arizona. Là, il se lie d’amitié avec d’autres détenus et en devient le meneur. Le directeur de la prison essaye de s’en faire un allié pour améliorer le sort des prisonniers, mais Pitman a d’autres idées en tête… Quand on voit LE REPTILE, on ne s’étonne pas d’apprendre que le film fut un redoutable échec au box-office malgré l’accumulation de talents devant et derrière la caméra. Voilà bien un western atypique qui ne ressemble à aucun autre, alternant entre cynisme, anarchie et farce. L’époque est certes propice aux changements, qu’ils soit visuels ou narratifs : nous sommes en 1970 et Sergio Leone a déjà profondément bousculé le genre tandis que le Nouvel Hollywood est sur le point d’apposer sa patte.

Au scénario, on retrouve d’ailleurs un duo qui a marqué les esprits avec le film BONNIE AND CLYDE : Robert Benton et David Newman. Les deux hommes soufflent un vent de modernité bienvenu à Hollywood et rédigent un script qui plaît beaucoup à Mankiewicz. Le réalisateur de CLEOPATRE apprécie tout particulièrement cette variation autour du double jeu et de la trahison tout en étant convaincu par le duel psychologique de ces deux hommes que tout oppose. LE REPTILE inverse les codes, aucun

personnage n’étant réellement bon ou positif. Le protagoniste incarné par un Kirk Douglas des plus cabotins s’avère même être le pire de tous, l’acteur n’hésitant pas à mettre son charme et son charisme au service d’un personnage foncièrement mauvais. On atteint même des sommets de cynisme ici qui malmène le sacro-saint western en parlant de personnages homosexuels, comme ce couple d’arnaqueurs. Il faut y voir là une représentation de l’ouverture formelle d’Hollywood à l’époque qui tenait à rendre compte du changement des moeurs. À ce titre, Henry Fonda représente l’ancien monde dans la peau du shérif puritain et austère, entièrement réfractaire au changement.

LE REPTILE est une vraie curiosité, devenue au fil du temps un film culte pour certains cinéphiles. Dans sa façon d’appréhender l’un des genres les plus célèbres du cinéma, il remania en profondeur les codes établis.

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