American Sniper, Chris Kyle dans le viseur d’Eastwood

L’histoire de Chris Kyle, le plus grand sniper avéré de tous les temps, obsédé par son combat face au terrorisme. La division s’est rapidement opérée lors de la sortie du film AMERICAN SNIPER en 2015, entre ceux qui l’ont défendu et les autres qui ont pensé que ce dernier était une propagande pro-américaine. Retour sur une oeuvre obsédante mise en scène avec maestria par Clint Eastwood. 

Un cinéma organique

D’abord, comme une évidence, AMERICAN SNIPER est une réussite visuelle indéniable. Eastwood pratique un cinéma organique, au plus près des corps. Les combats sont superbement filmés et résonnent comme autant de duels aux accents de westerns. Deux ennemis qui se cherchent, qui attendent et qui frappent dans des jeux de regards parfaitement maîtrisés. Parce que le regard est fondamental dans le film. Ce que voit Chris Kyle à travers la lunette de son sniper, ce qu’il voit de la guerre, il le rapporte chez lui, hanté par ces horreurs et vivant comme un zombie. Ici se pose donc l’aspect ridicule de la polémique entourant le film. En contrepoint de ce patriotisme qui émane, de

prime abord, de Chris Kyle, son retour chez lui se fait dans la douleur. Eastwood ne pointe jamais du doigt, il montre. Il montre les conséquences insidieuses de ces combats, de ces gamins que le sniper tue, mais aussi de son obsession à retourner au plus vite au combat. Ainsi, beaucoup de scènes se contredisent car l’esprit de Kyle est lui-même un paradoxe. Sa femme est dans l’incompréhension, lui est en alerte dès qu’il entend une tondeuse au loin. Sans appuyer de manière ridicule son propos, le cinéaste le distille par petites doses. Son montage se resserre alors pour dynamiter son intrigue et remettre Kyle dans le coeur de l’action terroriste. Il a la bonne idée aussi de donner une importance au sniper adverse, qui en fait un ennemi redoutable pour Kyle. Dès lors, il clôt son combat par une impressionnante attaque au sommet d’un immeuble sous une tempête de sable.

Patriote ou dénonciateur ?

Le patriotisme convaincu de Kyle au début va laisser, peu à peu, la place à un enfouissement de sa personnalité. Il ne sait plus contre quoi il se bat et ce soldat, frère d’armes, qui lui dit que le Mal n’est peut-être pas ce qu’il croit. Où est la raison ? Qu’est-ce qui est bon ou juste ? En vieux sage, Eastwood n’y répond pas. C’est peut-être pour ça que AMERICAN SNIPER est parfois frustrant. Le réalisateur veut brasser tellement de thèmes qu’il ne les exploite pas complètement. Quelques coupes deviennent alors brutales. Comme cet après-guerre, le choc post-traumatique que Kyle a vécu. Il est malheureusement expédié en une scène. Ses moments avec sa femme sont parfois un peu décevants car redondants. Et on ne parlera de cette fin avec ces images d’archives qui viennent contredire tout le propos du film: elles résonnent comme un hommage appuyé alors que l’ensemble déconstruisait le mythe de la « légende ». Une faille dans un long-métrage qui n’en a pas beaucoup d’autant que Bradley Cooper est impressionnant dans le rôle principal. 

AMERICAN SNIPER est toujours le plus gros succès de Clint Eastwood en tant que réalisateur. Avec 547,4 millions de dollars de recettes mondiales (dont un incroyable 350,1 millions aux USA), le film rentabilisa largement ses 58 millions de budget.

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